L’ordre est inversé par rapport à l’an dernier pour le trio gagnant du classement des musées dans les grandes villes. L’année est marquée également par la belle progression du Petit Palais et l’irruption du MuCEM.
En physique comme en muséologie, la masse est déterminante. Il n’est donc pas étonnant que les grands musées parisiens dominent cette année encore le palmarès pour les villes de plus de 200 000 habitants, malgré la part croissante des critères relatifs dans le classement du JdA (voir la méthodologie p. 20). À l’intérieur du match dans le match, le Quai Branly ravit cette année la première place au Centre Pompidou. C’est la troisième fois que le musée des arts et civilisations d’Afrique, d’Asie, d’Océanie et des Amériques occupe la tête du podium. Le Louvre a remporté 6 fois la coupe en douze ans et le Centre Pompidou, 4 fois. Le Musée d’Orsay, qui n’a pas souhaité participer cette année à l’enquête, n’a jamais occupé la pole position, ceci expliquant peut-être cela.
À ce niveau du classement, les musées affichent d’excellentes notes dans toutes les catégories, ce qui les distingue alors repose beaucoup sur le succès des expositions temporaires. Une exposition qui marche entraîne une hausse générale des visiteurs, des recettes commerciales, des privatisations, l’entrée d’Amis, etc. De quoi faire regretter au Musée d’Orsay sa bouderie, lui qui a enregistré de bons scores avec notamment « Van Gogh/Artaud ».
Les expositions du Quai Branly ciblent un public plus pointu, mais le joli succès de « Mayas » et d’« Indiens des plaines » a dopé sa fréquentation payante ( 28 %) après une programmation 2013 plus tiède. Cette poussée à deux chiffres du nombre de visiteurs est d’autant plus remarquable que la fréquentation générale dans les musées, en France et dans les grandes villes, a eu tendance à se tasser en 2014. Le Quai Branly bénéficie par ailleurs de son jeune âge, ce qui lui permet d’avoir achevé son récolement, numérisé toutes ses œuvres et rédigé son projet scientifique et culturel (PSC). D’un autre côté, les expositions de l’ex-numéro un, le Centre Pompidou, ont été plus savantes en 2014 (« Marcel Duchamp. La peinture même ») qu’en 2013 (« Dalí » et « Roy Lichtenstein »), tandis que la rétrospective « Jeff Koons » a démarré trop tard pour soutenir la fréquentation payante 2014, qui a baissé de 8 %. À 2 points près, soit presque rien, le Centre aurait cependant pu déloger le Louvre de sa deuxième place. Le Louvre version Jean-Luc Martinez (arrivé en 2013) affiche une stabilité de sa fréquentation, mais le désabonnement de 5 000 Amis et de 7 000 adhérents pourrait indiquer un certain mécontentement à l’égard d’une programmation moins flamboyante (« Le Maroc médiéval » ou la présentation de la collection du Louvre-Abou Dhabi).
Toujours dans la capitale, les regards sont braqués sur les musées de la Ville de Paris depuis leur regroupement en 2012 au sein de l’Établissement public Paris Musées, dirigé par Delphine Lévy. La deuxième année de l’EP affiche un bon bilan avec une croissance totale du nombre de visiteurs payants de 25 %, ce qui permet aux musées de la Ville de passer de 7,4 % à 9,3 % du « marché » (hors Orsay) des visiteurs payants à Paris. Et il s’agit bien d’un marché, lequel est fondamentalement déterminé par deux segments : le nombre de touristes étrangers et l’intérêt du public français pour les expositions qui lui sont proposées. Aussi la plupart des musées municipaux gagnent des places dans le Palmarès, à l’instar du Musée du Petit Palais qui grimpe à la cinquième position. Transporté par les expositions « Paris 1900 » et « Baccarat », le musée de Christophe Leribault double sa fréquentation payante et triple quasiment ses recettes commerciales. Il en profite pour établir un nouveau record du nombre total de visiteurs payants et gratuits qui dépasse la barre du million (rappelons que l’accès aux collections permanentes est gratuit).
Lyon et Marseille
Le Musée des beaux-arts de Lyon s’installe au pied du podium tout en reprenant la tête du classement officieux des musées en régions, position précédemment détenue par les Musées d’Angers. Une situation qui ne satisfait qu’à moitié sa directrice, Sylvie Ramond, qui voudrait maintenant rivaliser avec les grands musées parisiens. Revendiquant l’ancienneté du musée (1803), sa superficie (15 000 m² contre 22 000 m2 au Musée national d’art moderne), la qualité de ses collections et une programmation exigeante en relation avec l’identité du lieu, elle multiplie les initiatives pour accroître une fréquentation payante qui a encore des marges de progression. L’équivalent d’un mi-temps se consacre ainsi à l’animation des réseaux sociaux dont le nombre d’abonnés a bondi (167 000 amis Facebook), permettant de diffuser l’information sur des événements thématiques tels que les nocturnes. La publication du catalogue des peintures, qui a mobilisé cinquante auteurs, devrait permettre de faciliter les prêts entre musées (34 en 2014).
Lyon devra cependant compter à l’avenir avec les musées de Marseille, une ville qui dénombre deux fois plus d’habitants qu’elle. Longtemps les musées de la cité phocéenne n’ont pas figuré dans ce palmarès pour cause de travaux dans la perspective de « Marseille-Provence 2013 ». Handicapés par l’absence de chiffres pour 2013, ce qui leur ôte de nombreux points sur les critères d’évolution d’une année sur l’autre, ils font une timide apparition en 2015 mais devraient être mieux classés l’an prochain. Seul le MuCEM, un musée national, s’installe dès son entrée à la belle 1Oe place. Comme le Quai Branly, le Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée dispose de tous les équipements d’un musée moderne et des moyens scientifiques adéquats (un PSC qui date de 2012, 91 % des œuvres récolées, 93 % d’œuvres numérisées, des réserves aménagées). Et le succès est au rendez-vous : ses 407 000 visiteurs payants peuvent être comparés aux 730 000 visiteurs payants du Quai Branly. Le MuCEM est devenu un véritable lieu de loisir avec une offre de restauration et de promenade adaptée au public local. Atteignant 7,3 millions d’euros, les recettes commerciales ont bondi de 37 % et mettent le MuCEM au même niveau que le Musée Jacquemart-André à Paris, un expert en la matière.
En 2016, le Musée des Confluences à Lyon devrait entrer dans le Palmarès et il y a fort à parier, à en juger par sa fréquentation actuelle, qu’il sera bien placé. Avec la 1re place du Quai Branly, l’entrée en force du MuCEM et l’arrivée prochaine du Musée des Confluences, les musées de civilisation sont bel et bien en train de changer le paysage du monde muséal.
Télécharger le classement des 70 musées des villes de plus de 200 000 habitants : (100 ko)
La Maire de Paris, Anne Hidalgo, va prochainement présenter son plan de rénovation des musées, qui devrait mobiliser près de 100 millions d’euros d’ici à la fin de la mandature (2019). Premier bénéficiaire, le Musée Carnavalet, dont les travaux pourraient commencer en 2017 pour un budget d’environ 45 millions d’euros. Il s’agira surtout de mettre aux normes le bâtiment et de construire un parcours « plus intelligent », sans ajouter de mètres carrés supplémentaires. Le Musée du général Leclerc et de la Libération de Paris-Musée Jean-Moulin pourrait déménager de son adresse actuelle au-dessus de la gare Montparnasse que peu de gens connaissent (15 000 visiteurs seulement) pour s’installer dans le 14e arrondissement. 10 millions d’euros seront alloués au Musée d’art moderne de la Ville de paris pour restaurer le parvis, améliorer le parcours de la collection permanente et réaménager la cafétéria. L’EP envisage également un parcours permanent pour le Musée Galliera malgré sa petite taille (500 m²), tandis que la librairie du Petit Palais pourrait déménager.
Six muséums ont rejoint cette année ceux de Rouen et du Mans. Bien que n’étant pas des musées d’art à proprement parler, la montée en puissance des musées de civilisation, qui se situent souvent entre les deux, redistribue les cartes. Les 8 muséums du Palmarès 2015 ont attiré 635 000 visiteurs, un chiffre en hausse de 17 %. Handicapés par la nature de leurs collections, ils apparaissent le plus souvent dans la deuxième partie des classements. Le Muséum de Toulouse pointe cependant à la 26e place du classement « Grandes Villes ».
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Le Quai Branly reprend la tête
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°435 du 8 mai 2015, avec le titre suivant : Le Quai Branly reprend la tête