Bruxelles (Belgique)

Zurbarán, éloge de la caresse

Palais des beaux-arts jusqu’au 25 mai 2014

Par Marie Zawisza · L'ŒIL

Le 20 février 2014 - 382 mots

On pénètre dans l’exposition Zurbarán comme dans une grotte, à des années-lumière du tumulte de la ville.

Sur les tableaux aux fonds ténébreux, accrochés sur ces murs sombres, se détachent des figures sculpturales. C’est saint Grégoire, avec son vêtement vibrant, dont le visage ridé se trouve absorbé par la lecture d’un livre, ou saint François, le visage caché sous sa capuche, scrutant le crâne qu’il tient dans ses mains à la chair si vivante, pour tenter d’apprivoiser la mort qui viendra un jour. Ainsi s’ouvre l’exposition que Bozar, à Bruxelles, consacre à Zurbarán, ce fils d’un marchand de tissus, qui peint les drapés avec tant de virtuosité qu’il en fait des sculptures, et dont on croit sentir la douceur ou la rugosité sur la peau. À travers une cinquantaine de toiles, se dessine le cheminement de cet artiste du « mysticisme espagnol » qui fut, au début de sa carrière, peintre des moines, avant de découvrir la peinture italienne – et la couleur – en réalisant des toiles pour la cour.

À l’occasion de ce parcours, le visiteur redécouvre un peintre qui exprime, à travers une palette chromatique des plus concentrées, une ténébreuse « tendresse pour le vrai » – pour reprendre le mot d’Eugène Fromentin à propos des maîtres hollandais, qui l’influencèrent peut-être à son insu. Tendresse pour cet agneau de Dieu attendant d’être tué, dont les boucles du pelage sont peintes avec tant de délicatesse que notre main croit les caresser, tendresse aussi pour la Vierge. Sur une toile venue de la cathédrale de Jerez de la Frontera, on caresse du regard cette Marie enfant, endormie, les paupières diaphanes et les joues roses – ces joues où, sur une toile de la même salle, La Maison de Nazareth, coulent à jamais, en silence, des larmes figées : la jeune mère vient de voir la mort future de son enfant Jésus, qui vient de se blesser au doigt avec une couronne d’épines. Cette mort qui, dans le dernier tableau de l’exposition – après les toiles ambitieuses commandées aux grands ordres monastiques ou celles, plus criantes, destinées au Nouveau Monde –, frappe la vue du peintre saint Luc, une palette à la main, en extase devant le Crucifié. Et l’on ressort de cette exposition comme lui : en extase, habité de visions.

« Zurbarán, maître de l’âge d’or espagnol »

Palais des beaux-arts, rue Ravenstein 23, Bruxelles (Belgique)
www.bozar.be

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°666 du 1 mars 2014, avec le titre suivant : Zurbarán, éloge de la caresse

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