Le procès fait à l’art contemporain va-t-il connaître de nouveaux développements en 1998 ?
Je souhaite que le débat sur l’art contemporain prenne un peu plus de hauteur, et surtout une dimension théorique et démocratique à travers une véritable réflexion sur les enjeux de la culture aujourd’hui. Je pense que certaines publications vont y contribuer à la suite de mon livre. Il est prévu un numéro d’Esprit sur le jugement esthétique. C’est important qu’on prenne au sérieux le débat qui a commencé et la question des critères qui a été posée, en particulier à partir de l’irruption de la démocratie dans les questions de goût. La discussion devrait ainsi trouver un peu de sérénité. Au-delà de l’art contemporain, cela porte sur les enjeux de la culture.
N’y a-t-il pas un peu d’autodénigrement dans ce débat ?
Il y beaucoup d’éléments dans ce débat. Il y déjà des rivalités personnelles qu’il faut laisser de côté. Il y a aussi le malaise français vis-à-vis d’un art administré. On est très fier de soutenir institutionnellement l’art, tout en n’étant à la fois pas sûr que se soit un gage de qualité. Il en ressort une impression de malaise et de doute, car il est difficile de faire aller ensemble vitalité de la création et soutien institutionnel. Ce serait, toutes proportions gardées, aussi vrai du cinéma français aujourd’hui, et cela serait vrai pour la musique. Il y beaucoup de domaines de la culture qui sont peu vivaces actuellement, et se pose la question de savoir si le soutien institutionnel est profitable ou non. Il faut élargir le débat, il ne s’agit pas que d’une question concernant l’art visuel.
Qu’attendez-vous du gouvernement en matière de formation artistique ? Que pensez-vous de ses promesses de refonte des programmes au collège et au lycée pour y intégrer l’éducation artistique et l’enseignement de l’histoire de l’art ?
Je suis extrêmement réservé sur l’introduction de l’éducation artistique, et plus encore de l’histoire de l’art, dans les collèges et les lycées tant qu’on n’aura pas réfléchi plus sérieusement sur l’ensemble des programmes eux-mêmes. On vit sur un empilement de matières, et toute démarche qui empilerait une nouvelle matière sur les matières actuelles serait suicidaire et malhonnête. D’une certaine manière, c’est déjà le cas avec l’enseignement des arts plastiques. Une heure d’arts plastiques par semaine, cela ne veut rien dire pour les élèves et cela ne veut rien dire non plus pour les professeurs, pour lesquels c’est catastrophique.
Cela risque de rester un serpent de mer. Il y a dix ans que l’on parle de l’enseignement de l’art à l’école. Et on sait bien que l’on bute sur ce problème de l’économie générale des programmes en France. Chaque lobby veut rajouter une heure ou un enseignement obligatoire. Et on n’aboutira à rien de plus.
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Yves Michaud, universitaire et critique d’art
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°51 du 3 janvier 1998, avec le titre suivant : Yves Michaud, universitaire et critique d’art