C’est un découpage classique et confortable que la Schirn à Francfort accommode en consacrant une large rétrospective à celui qui, en sept courtes et fulgurantes années (1955-1962), exaspéra les débats esthétiques de son époque et dégrossit ceux à venir. L’exposition allemande tout entière livrée à Yves Klein, cède sa scénographie à une chronologie forcément resserrée, ouvrant le parcours sur le monochrome orange, Expression de l’univers de la couleur mine orange risqué par le jeune Klein en 1955 et l’achevant sur les Monogolds, associés aux derniers et monumentaux monochromes bleus de 1961-1962. Le premier fut refusé au printemps 1955 au Salon des Réalités nouvelles, au motif qu’un tel panneau de bois recouvert au rouleau d’une couche lisse et unie ne pouvait « suffire » à signifier une peinture. Les seconds, alors que le monde de l’art s’arrache Klein, vinrent consolider une logique monochromatique désormais élucidée et systématisée par ses recherches et démonstrations antérieures, repoussant toujours la matérialité de l’œuvre vers la lecture sensible et spatiale d’une présence picturale immatérielle.
Entretemps, l’exposition allemande, riche d’une centaine d’œuvres, illustre le cheminement de celui qui, aux côtés des Nouveaux Réalistes, n’a cessé de nourrir un principe exigeant et quasi mégalomaniaque d’unification de l’art et de la vie, tout en y appliquant avec une rigueur singulière ses rêveries ésotériques et poétiques. L’itinéraire de la Schirn témoigne alors et surtout de l’importance de l’incarnation chez Klein, rapportant bien sûr les célèbres Anthropométries, toiles exécutées au moyen de corps de femmes converties en véritables « pinceaux vivants », les éponges imbibées de pigment bleu ou rose, les toiles aux feuilles d’or stratifiées, mais encore ses cosmogonies, séries de peintures monochromes livrées aux caprices du temps et des éléments naturels. Et c’est encore au processus d’imprégnation, à la manifestation de l’immatériel, que l’exposition offre un espace lorsqu’elle cite l’expérience la plus radicale de Klein, La Spécialisation de la sensibilité à l’état matière première en sensibilité picturale stabilisée, Le Vide, à la Galerie Iris Clert en avril 1958. Il y recouvrit les murs de blanc, proposant en somme une matière volatilisée mais incarnée en tant que présence sensible. Ni apologie du vide, ni provocation arbitraire, le geste de Klein venait consolider sa quête « d’immatérialisation du tableau », libérant « une perception-assimilation directe et immédiate sans plus aucun effet, ni truc, ni supercherie ».
« Yves Klein », FRANCFORT, Schirn Kunsthalle Frankfurt, Römerberg, D-60311, tél. 00 49 69 29 98 82-0, welcome@schirn.de, jusqu’au 9 janvier 2005.
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Yves le Monochrome
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°562 du 1 octobre 2004, avec le titre suivant : Yves le Monochrome