Pour ses 350 ans, la Villa Médicis a demandé à Yan Pei-Ming de raconter sa vision de Rome. Tragique et juste.
ROME - Yann Pei-Ming a-t-il gardé un si mauvais souvenir de son année (1993-1994) de pensionnaire à l’Académie de France à Rome que pour son retour plus de vingt ans après, il y suspende des images de mort ? « Absolument pas, répond l’intéressé avec un petit sourire, au contraire, j’aime ce lieu et j’aime la vie en général ». Pour Henri Loyrette, autre pensionnaire (1975-1977) et commissaire de l’exposition, c’est la ville de Rome qui constitue la partition de ces toiles créées pour l’occasion, et ce sont les Caravage de l’Église Saint-Louis-des-Français et de l’Église Santa-Maria-del-popolo qui en donnent le « la ».
Du reste, la première salle qui ouvre le parcours à la Villa Médicis, reprend quatre compositions du Caravage, dans leur format d’origine. Mais dans l’axe de la porte qui ouvre sur la deuxième salle, on distingue en même temps une scène contemporaine, reconstituée à partir de documents d’époque, représentant la découverte du corps d’Aldo Moro assassiné en 1978 par les Brigades rouges. Suivent l’attentat contre Jean-Paul II, une scène dramatique tirée du film de Rosselini, Rome, ville ouverte, ou encore un bateau chargé de migrants dans l’obscurité. Pei-Ming aime l’histoire contemporaine et il ne craint pas d’affronter ce genre consacré en son temps par l’Académie, car il sait véritablement dessiner et peindre. Et il maîtrise suffisamment la technique pour que ses compositions aient un aspect enlevé qui plaît au public.
Sombre vision
L’atmosphère, déjà pesante, est dramatisée par le grand format des toiles et la bichromie en noir en blanc qui fonde l’identité de Pei-Ming. Cette continuité est cependant interrompue dans le grand escalier à chevaux, où sont accrochées quatre variations chromatiques du portrait du pape Innocent X par Velázquez et dont Bacon s’était également emparé en son temps. En général Yan Pei-Ming respecte la composition des toiles dont il s’inspire. En l’espèce, il s’est permis de donner plus de fermeté à la main droite du pape, « trop molle », à son goût dans le portrait de Velázquez.
Cette série trouve sa place naturellement dans l’escalier et on peut dire la même chose pour les autres toiles. Lorsque Yan Pei-Ming se promenait dans Rome, accompagné d’Henri Loyrette, à la recherche de sujets pour l’exposition, il avait aussi en en tête la disposition tortueuse des salles d’exposition de la Villa. Réalisées dans son atelier à Dijon, une fois sur place, elles n’ont rien perdu de la force du thème d’origine, ni la pertinence de leur emplacement prévu pour l’accrochage. Tout est juste dans cette exposition.
Commissaire : Henri Loyrette
Nombre d’œuvres : 21 toiles
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Yan Pei-Ming voit Rome en noir
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Abonnez-vous dès 1 €Jusqu’au 19 juin, Académie de France à Rome, Viale Trinità dei Monti, 1 00187 Roma T. 39 06 67 611, www.villamedici.it, du mardi au dimanche, 10h-19h, entrée 12€. Catalogue édition Rizzoli, 120 pages.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°456 du 29 avril 2016, avec le titre suivant : Yan Pei-Ming voit Rome en noir