Artiste majeur de la scène contemporaine, Wolfgang Tillmans (né en 1968 à Remscheid) se voit consacrer pour la première fois un solo show en Belgique, au Wiels.
L’exposition illustre combien les images de ce photographe allemand sont puissantes et combien ses accrochages relèvent d’un sens profond de l’orchestration des vides et des pleins, des champs et des hors-champs, des couleurs et des formes. S’il peut passer des heures à préparer une prise de vue, l’attention qu’il accorde à leur présentation est tout aussi grande. Depuis la fin des années 1980, il explore sans relâche la fabrication des images, à travers tous les genres possibles (du portrait au paysage, en passant par la nature morte). Expérimentateur inlassable, il produit même des images sans appareil photographique et n’hésite pas à recourir au photocopieur dès ses premiers travaux. La séparation entre l’abstraction et le documentaire n’a pas de sens pour lui. Tout procède d’un même désir d’explorer le monde de l’image et le monde tout court. C’est ce même désir qui l’a conduit à explorer d’autres médias comme la vidéo, la musique ou le son. Et c’est bien là ce qui fait en grande partie l’intérêt de l’exposition du Wiels, qui consacre plus de la moitié de son parcours à cette part récente de son œuvre. La première partie offre un aperçu exhaustif de son travail de photographe de 1986 à aujourd’hui, puis le second temps de l’exposition nous conduit vers d’autres territoires. L’image fixe fait place à l’image mouvante puis à l’absence d’image. L’expérience se fait immersive. On peut ainsi écouter les créations musicales de ce fidèle de l’univers techno qui a décidé depuis 2014 d’écrire lui-même sa musique et de l’accompagner de projections vidéo. Une autre projection, tout aussi hypnotique mais plus contemplative, donne à voir le flux et le reflux de la mer au bord d’une plage. L’exposition se termine dans une salle noire où le visiteur est invité à s’asseoir sur une chaise pour écouter la voie de Tillmans livrer ses réflexions sur la fuite en avant technologique dans laquelle chacun d’entre nous est propulsé et qui participe de la naissance d’un nouveau monde. « Today is the First Day » énonce l’exposition.
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°734 du 1 mai 2020, avec le titre suivant : Wolfgang Tillmans en quête d’un nouveau monde