Des figures nues et difformes, des corps obèses et meurtris, des cadavres, des têtes coupées, des membres amputés, des sexes martyrisés : quelque chose d’une horreur cultivée est à l’œuvre dans le travail de Joël Peter Witkin qui exerce sur notre regard tour à tour fascination et répulsion. On a beau se persuader que tout n’est chez lui que manipulation, montage et mise en scène, il n’en reste pas moins que les images photographiques qu’il constitue ne nous laissent jamais indemnes. Il faut dire que par delà les références qui les fondent, qu’elles soient allégoriques, mythologiques, bibliques ou tout simplement artistiques, les œuvres de Witkin présentent d’abord et avant tout des scènes de souffrances et d’atrocités en tous genres proprement insoutenables. Si ce qu’elles mettent en jeu de perversité et de sacrilège dépasse toute dose admise, elles opèrent aussi à la façon de certains poèmes de Baudelaire, mariant la beauté et la putréfaction d’une charogne. Tout y est si savamment, voire harmonieusement, calculé qu’il en résulte une sorte de surenchère tant du sens que du drame et que chacune des images de l’artiste bascule à l’ordre de la fable dans un échange dialectique entre la vie et la mort, l’ordinaire et l’extraordinaire. La nouvelle livraison de Witkin compte notamment toute une série de dessins préparatoires qui permettent, selon les mots de Germano Celant, de mieux appréhender cette « espèce de chirurgie diabolique où le sacré et le profane, la douleur et le plaisir, le féminin et le masculin se dissolvent et se transforment, se mélangent en créant un hybride interdit ».
PARIS, Hôtel de Sully, jusqu’au 16 mars, cat. éd. Marval, 120 p., 52 ill., et galerie Baudoin Lebon, jusqu’au 20 février.
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Witkin, un chirurgien de l’image
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°513 du 1 février 2000, avec le titre suivant : Witkin, un chirurgien de l’image