En rassemblant la fine fleur des bronzes découverts à Volubilis, le MuCEM dévoile le passé glorieux de cette « petite Rome » au cœur de l’Afrique.
MARSEILLE - Les mèches en désordre s’échappant du diadème, les sourcils froncés, la bouche esquissant une moue dédaigneuse, c’est un jeune prince altier qui accueille le visiteur de l’exposition du MuCEM consacrée aux bronzes de Volubilis (Maroc). L’œuvre est d’une qualité d’exécution extrême, comme toutes les autres pièces prêtées par le Musée archéologique de Rabat (Maroc). Preuve que du côté de cette rive de la Méditerranée, l’idéal gréco-romain faisait des émules, et non des moindres !
En installant à la tête d’un immense territoire allant de l’Atlantique au fleuve Ampsaga le fils de Juba Ier, l’un des derniers rois de Numidie, Octave, savait que la romanisation de cette partie du monde allait se parfaire dans les meilleures conditions. À la mort de son père, ce jeune prince numide – passé à la postérité sous le nom de Juba II – n’allait-il pas passer toute son enfance à Rome, y recevant une éducation des plus complètes ? Aux dires des auteurs anciens, il fut même l’un des plus grands savants de son temps, et son œuvre encyclopédique, rédigée en grec, devait constituer l’une des principales sources d’inspiration de Pline pour son Histoire naturelle. En épousant en 19 av. J.-C. Cléopâtre Séléné, la propre fille de Marc Antoine et de Cléopâtre VII, et en installant sa capitale à Caesarea (l’actuelle Cherchell en Algérie), Juba II allait sceller, en terre africaine, l’union intime des cultures indigène, punique, grecque et romaine.
Des œuvres importées de Grèce et d’Italie
De ce métissage fécond, l’exposition de Marseille n’a retenu que la pourpre impériale et le génie des sculpteurs grecs. Reflétant à merveille la diffusion des modèles classiques et la circulation des œuvres d’art au cœur de ce florissant royaume de Maurétanie, les bronzes admirables exposés n’étaient, bien évidemment, l’apanage que d’une toute petite partie de la population : l’élite princière, mais aussi les magistrats et les officiers chargés d’administrer cette province reculée de l’Empire. En l’absence de vestiges significatifs d’ateliers de bronziers (même si la découverte récente de moulages de plâtre ouvre de nouvelles perspectives de recherche), on est en droit de supposer que la majorité de ces pièces étaient, en fait, des achats effectués en Grèce ou en Italie par les notables locaux, voire qu’elles avaient été importées par des rabatteurs professionnels. Rappelons-nous ainsi les écrits de Pline ou de Cicéron stigmatisant la hausse exorbitante des prix des œuvres d’art et le trafic incessant dont elles faisaient l’objet aux quatre coins de l’Empire ! Mais à travers ce brassage de populations et d’objets à grande échelle, c’est aussi une forme d’uniformisation du goût et des mœurs qui colore peu à peu l’ensemble des territoires contrôlés par Rome.
Au cœur de cette cité prospère qu’est Volubilis entre le Ier siècle avant Jésus-Christ et le IIIe siècle de notre ère, des statues d’empereurs ou de dieux ornent les temples et les places publiques, tandis que, pavées de riches mosaïques, les demeures patriciennes accueillent à foison des copies, variantes, pastiches ou adaptations de chefs-d’œuvre insignes de la sculpture grecque. Les pièces de mobilier véhiculent, elles aussi, cet art de vivre voluptueux et hédoniste, qui est le propre de toutes les civilisations méditerranéennes. Coulés dans le bronze, lits de banquet ornés de tête de Satyre ou de buste de Silène, trépieds pliants, candélabres et autres porte-flambeaux sont destinés à satisfaire les exigences d’une nouvelle clientèle : ces propriétaires fonciers ou commerçants enrichis par l’exploitation et le commerce de l’huile d’olive. Si l’on peut regretter que le contexte archéologique de la ville de Volubilis soit évoqué trop timidement – il est vrai que les campagnes de fouilles et de restauration ont fort peu progressé sur le site depuis les années 1960 –, l’exposition marseillaise offre un rassemblement de bronzes antiques tout à fait exceptionnel par le nombre et la qualité. Outre le portrait frémissant de vie du jeune Juba II, l’on admirera tout particulièrement ce buste de Caton saisissant de vérité, cet éphèbe verseur d’une grâce toute praxitélienne ou bien encore ce chien prêt à bondir, oreilles couchées et gueule ouverte, d’un réalisme stupéfiant.
Commissaire générale : Myriame Morel-Deledalle
Scénographie : Atelier Maciej Fiszer, assisté de Salomé Moussly
Superficie : 400 m2
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Volubilis la « Romaine »
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Jusqu’au 25 août, MuCEM, 1 esplanade du J4, 13213 Marseille. Ouvert tous les jours sauf le mardi 11h-18h en hiver, et 11h-9h en été.
Nocturne le vendredi jusqu’à 22h, tel. 04 84 35 13 13
www.mucem.org
catalogue, coédition MuCEM/Éditions Actes Sud, 192 pages, 35 €.
Légende photo
Buste de Juba II, Volubilis, Maroc, vers 25 av. J.-C., bronze, Musée archéologique, Rabat. © Ministère de la culture, Royaume du Maroc. Photo : MuCEM/Yves Inchierman.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°412 du 25 avril 2014, avec le titre suivant : Volubilis la « Romaine »