FONTAINEBLEAU
Les peintures, cartons, tapisseries et pièces d’arts décoratifs plongent le visiteur du château de Fontainebleau dans l’atmosphère des chasses royales de Louis XV.
Fontainebleau (Seine-et-Marne). Sujet délicat s’il en est, la chasse divise, cristallise les tensions. Elle reste pour autant inextricablement liée à l’histoire de France, en tant que composante fondamentale de la société de cour. Ancien relais de chasse, le château de Fontainebleau embrasse pleinement son héritage en mettant en lumière l’engouement que suscitent les scènes cynégétiques au XVIIIe siècle. La passion dévorante de Louis XV pour la chasse à courre se reflète dans les arts, et Jean-Baptiste Oudry (1686-1755) s’en fait l’interprète privilégié. Peintre d’histoire, portraitiste, peintre des chiens du roi puis « peintre ordinaire de la vénerie royale », Oudry suit les chasses du roi, les immortalise sur la toile et s’impose peu à peu comme une référence pour la peinture animalière de l’époque.
En rassemblant une petite cinquantaine d’œuvres, issues en grande partie de ses collections, le château de Fontainebleau dresse le portrait d’un artiste au sommet de son art. « Au cours des trois dernières années, nous avons restauré quatre peintures d’Oudry, des cartons que nous conservons à Fontainebleau et qui ont servi de modèles pour une commande très importante, les tapisseries des “Chasses royales”, précise Vincent Cochet, conservateur en chef du château de Fontainebleau. Nous avons voulu les présenter à l’occasion de cette exposition, centrée non pas sur le thème de la chasse mais sur la tenture et sa genèse. » Une œuvre d’envergure commandée par Louis XV en 1733, et à laquelle Oudry consacre treize longues années. Ses neuf peintures monumentales, qui illustrent toutes le roi s’adonnant à la chasse, ont ensuite été traduites en tapisseries par la manufacture des Gobelins pour décorer le château de Compiègne (Oise). L’exposition présente quelques-uns de ces tissages aux côtés des quatre cartons restaurés, accompagnés de plusieurs croquis, dessins et esquisses que le peintre avait réalisés en amont. Une mise en parallèle intéressante qui permet d’appréhender le processus créatif d’Oudry, soucieux de retranscrire l’excitation de la meute de chiens, l’éclat du pelage des chevaux et l’élégance des cavaliers avec le plus de minutie possible.
« Cette exposition, c’est aussi l’occasion de montrer l’importance que revêt le grand décor cynégétique dans les intérieurs de la noblesse, et en particulier dans les résidences royales », ajoute Vincent Cochet. Le thème de la chasse s’y étend partout, jusqu’au mobilier même, comme en témoigne l’étonnante table des frères Slodtz au plateau orné d’un plan du domaine de Fontainebleau. Et Oudry participe activement à l’empreinte de ce goût dans les arts décoratifs. Une section qui aurait mérité d’être plus étoffée dans l’exposition, tant les inventions du peintre se diffusent en masse à travers les illustrations de beaux livres comme dans la porcelaine ou l’orfèvrerie. Quelques belles pièces laissent malgré tout supposer l’ampleur du phénomène de l’« Oudry-mania », à l’instar des plaques de porcelaine de la Manufacture de Sèvres ou d’un précieux surtout de table en argent massif, qui reprennent ou s’inspirent des compositions d’Oudry. Un artiste qui, de bien des manières, a laissé sa marque dans la production de son temps.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°643 du 15 novembre 2024, avec le titre suivant : Oudry, peintre de (chasse à) courre