Avec raison, les experts du projet n’ont pas reconstitué ce qui simulerait une prison. Ils en évoquent d’abord la réalité vécue au quotidien.
D’où cette scénographie à dessein provocante pour éviter la comparaison, mais offrant des clés ouvrant sur la vérité pénitentiaire. Œuvres et objets sont disposés dans et autour de trois grands modules rouges, véritables cages où chacun pénètre à sa guise. Un tableau de 1884 accroché à l’entrée résume les enjeux : un criminel, un mort, des gendarmes, des juges sont réunis. Saisir l’univers carcéral proposé, c’est partager avec les détenus un chemin sinuant entre espoirs et douleurs, tenter de comprendre les raisons de la violence, de la drogue, des mutineries. Un but poursuivi jusqu’à l’acharnement, réussir l’évasion mentale. Plus rarement l’évasion physique. Une installation de poutres enchevêtrées rappelle le chaos vécu par les esprits et les corps. Réalisé par Rodrigue Glombard, un mur de sabliers indique que l’ennemi numéro 1 du prisonnier est le temps. Pour le narguer, il y a les objets fabriqués avec presque rien (un jeu d’échecs en savon) et les objets truqués avec habileté. Quelques photos poignantes de « hurleurs » montrent qu’un lien avec l’extérieur est une chance de survie. Simples, efficaces, inspirés des pratiques traditionnelles et tirés des collections du musée, des objets de réconciliation et de réinsertion montrent qu’il est possible de réajuster victimes et agresseurs et les dispositifs multimédias créent des immersions troublantes.
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°730 du 1 janvier 2020, avec le titre suivant : Voir entre les barreaux