Le Bonheur de vivre de Matisse, Les Grandes Baigneuses de Cézanne, Les Modèles de Seurat, Le Facteur Roulin par Van Gogh, le portrait de Loulou par Gauguin, le Goudronnage d’un bateau par Manet, Le Bateau atelier de Monet, un couple esseulé de 1875 de Renoir, L’Ascète, période bleue de Picasso, une jeune rouquine perdue à Montrouge par Toulouse-Lautrec…
En tout, 181 Renoir, 69 Cézanne, 59 Matisse et 46 Picasso semblent revivre à Philadelphie dans le nouveau bâtiment de la Fondation Barnes ouvert depuis mai.
Ayant fait fortune dans la vente d’un antiseptique à base de nitrate d’argent, pimenté à la cocaïne, Albert Barnes a entrepris il y a un siècle une des plus riches collections d’art moderne. L’année dernière, sa fondation a dû fermer les portes à Merion, un faubourg huppé qui n’a jamais accepté sa présence… Désormais, elle voisine avec le Musée Rodin, qui a été entièrement refait avec un accrochage très pensé, et celui des beaux arts, en plein cœur de Philadelphie.
Le Fort Knox de la Fondation Barnes, par le cabinet Tod Williams-Billie Tsien, est devancé par un totem en acier gris d’Ellsworth Kelly. La Ville offrait le terrain, le mécénat a fait le reste. Il fallait 120 millions d’euros, 180 millions ont été collectés, le trop-plein devant reconstituer le capital dilapidé. C’est un bonheur de découvrir enfin des lumières adaptées à ces trésors. Le grand hall est décoré de tapisseries beiges d’une artiste hollandaise, Claudy Jongstra, la bibliothèque publique d’un portrait de Chirico. Un espace peut accueillir des expositions, la première étant consacrée au fondateur. On y trouve cette lettre à un critique new-yorkais ayant eu l’affront de lui demander une visite de la collection: « Je vois que vous êtes un personnage très important, malheureusement le Dr Barnes ne peut être dérangé sous aucun prétexte, car il est en train de battre le record d’avalage de poissons rouges. » Et cette une du Philadelphia Inquirer : « Un écrin de 6 millions de dollars pour tout l’art le plus dingue ». Cette somme de 1925 équivaudrait à 80 millions d’euros aujourd’hui. On trouve aussi sur une fiche ses commandes « dingues » : « Lancret, 2 Rubens, 2 Courbet, 4 Renoir, 1 Corot, 1 Gauguin, 1 Seurat ».
Les salles, exiguës, ont été reconstituées à l’identique, les tableaux entassés n’importe comment, entrecoupés de ferronneries de son invention, dans un ordre fantaisiste dont Barnes seul avait la clé… C’était la condition du déménagement, autorisé par le tribunal après une amère procédure, le docteur ayant posé comme condition au legs qu’aucun tableau ne soit jamais décroché du mur.
2025, Benjamin Franklin Parkway, Philadelphie (États-Unis), www.barnesfoundation.org
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Visite du nouvel écrin de la collection Barnes
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°650 du 1 octobre 2012, avec le titre suivant : Visite du nouvel écrin de la collection Barnes