Virginie Barré

Le Journal des Arts

Le 23 novembre 2001 - 498 mots

À l’occasion de son exposition personnelle à la galerie Loevenbruck, à Paris, Virginie Barré a répondu à nos questions.

Votre exposition mêle dessins et installations. Comment avez-vous conçu ce projet ?
J’avais envie de montrer des dessins, car c’est quelque chose qui compte de plus en plus pour moi. Mais je souhaitais également présenter les différents aspects de ma pratique en exposant des mannequins qui peuvent apparaître de façon isolée ou que j’accompagne parfois d’un environnement. Quant à la moquette qui recouvre le sol de la galerie, elle est extraite du film Shining. Bruno Peinado et moi-même étions depuis longtemps intéressés par l’idée de la reproduire et de l’éditer. La moquette permet d’envelopper l’espace et de transformer le lieu. Par ailleurs, elle cadre parfaitement avec le mobilier de la galerie, car tous deux appartiennent à la même époque.

Vous créez dans vos installations des fictions qui semblent directement sorties de faits divers ou de scénarios de films policiers. Vous exposez par exemple au sous-sol de la galerie le corps d’un homme étendu face contre terre, une flaque de faux sang en plastique à côté de lui. Quelle est la source de cette installation ?
L’idée m’est venue lors d’une résidence à la villa Arson. Je feuilletais beaucoup Les Cahiers du Cinéma afin d’en extraire des images de tournage qui avaient l’avantage de donner une vision hors-cadre des films. Je suis tombée sur une image de Jean-Luc Godard en train de placer du faux sang sur Jimmy Karoubi, l’acteur qui joue le chef des gangsters dans Pierrot le Fou, et qui se fait tuer par Anna Karina. Ce personnage n’apparaît que peu dans le film mais il est très étrange. Sa petite taille est accentuée par le fait qu’il utilise un téléphone surdimensionné. J’aime beaucoup pratiquer les jeux d’échelle, ce sont des éléments que l’on retrouve souvent dans mon travail, notamment dans mes dessins. J’ai voulu mettre en volume cette image du petit homme allongé en recréant le même point de vue dans l’exposition.

La mise en scène n’est pourtant pas à proprement parler “réaliste” : le sang en plastique... Pourquoi ne pas utiliser des artifices plus convaincants ?
Les personnages que je crée sont assez variables. Certains sont costumés, d’autres pas, mais on ne sait pas trop s’ils sont déguisés ou si ce sont des personnages magiques comme la figure de Yoda, par exemple. Je les conçois un peu comme des leurres afin que l’on puisse croire pendant un instant qu’ils sont vrais, pour s’apercevoir, ensuite, très vite, que c’est une supercherie. Après, les chemins que j’emprunte sont plus ou moins réalistes. Le corps que j’ai placé sous l’escalier paraît crédible mais lorsqu’on s’approche, on se rend compte que tout est réalisé de façon grossière. Ce qui m’intéresse, c’est ce moment où l’on a l’impression qu’il pourrait y avoir un corps, ce sursaut qui advient quand on est surpris par une présence inattendue.

Galerie Loevenbruck, 40 rue de Seine, 75006 Paris, tél. 01 53 10 85 68, jusqu’au 8 décembre.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°137 du 23 novembre 2001, avec le titre suivant : Virginie Barré

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