Bordeaux réunit les fleurons de la peinture vénitienne du XVIe siècle conservés dans les collections publiques françaises.
BORDEAUX - Comme le soulignent Olivier Le Bihan et Patrick Ramade en introduction au catalogue de « Splendeur de Venise 1500-1600 », les expositions patrimoniales – conçues à partir des collections nationales – sont importantes à plusieurs égards. Elles permettent de faire le point sur la connaissance et l’enrichissement des collections, de mettre en œuvre des campagnes de restauration et de faire découvrir au plus grand nombre les trésors parfois cachés d’églises ou de musées insuffisamment visités.
Conçue par les musées des beaux-arts de Bordeaux et de Caen, cette exposition offre un panorama de l’école vénitienne au XVIe siècle, le plus vaste depuis « Le siècle de Titien » au Grand Palais, à Paris, en 1993.
Réparti sur les trois niveaux du musée, le parcours s’organise autour des artistes les plus emblématiques de cette période fastueuse. Giorgione d’abord – plus exactement le « giorgionisme », puisqu’aucune œuvre du maître n’est présentée –, dont les recherches sur la lumière et la couleur ont influencé nombre de peintres, parmi lesquels Palma le Vieux, représenté par un voluptueux Portrait de femme, remarquable dans le fondu des couleurs, la douceur du visage, le traitement vaporeux des cheveux. Viennent ensuite Titien, le Tintoret et Véronèse. Ce dernier a les honneurs d’une salle entière, avec des œuvres de grand format. Ainsi de la Tentation de saint Antoine – où la puissance du corps rappelle Michel-Ange et où le coloris s’apparente à la palette de Titien – et de Bethsabée au bain, dont l’interprétation demeure énigmatique et discutée.
Règne de la couleur
L’art à Venise au cinquecento est résolument tourné vers la volupté, le plaisir des sens. C’est le temps des grands décors (le Tintoret et Véronèse en sont les plus éminents représentants), du règne de la
couleur, des effets de textures et de la lumière enveloppante, même si le dessin demeure très important. En témoignent les deux cabinets d’arts graphiques, qui présentent un ensemble significatif de feuilles de Bellini, Campagnola, Bordone ou Caliari.
L’exposition trouve un bon équilibre en alternant grands chefs-d’œuvre – deux prêts importants du Louvre, un Titien (Christ portant sa Croix) et un Lotto (Vierge au lapin), artistes assez peu
représentés dans les collections françaises – et découvertes. Les deux immenses tableaux de Lambert Sustris, artiste néerlandais qui a travaillé dans l’atelier de Titien et a contribué au développement du genre du paysage à Venise, en font partie. Tout comme Daphnis et Chloé de Bordone, une œuvre prêtée par le Musée Jacquemart-André de Paris, restaurée et encadrée pour l’occasion et jamais montrée au public jusqu’ici.
Le panorama est vaste – tous les musées sollicités ont joué le jeu –, l’accrochage est parfois moins convaincant, mais les œuvres sont toujours de qualité et, enfin, peu d’artistes importants manquent à l’appel. Même s’« il aurait fallu en plus un Greco vénitien et un Dürer », comme le souligne Olivier Le Bihan. Espérons que cette exposition, à l’initiative de deux musées de province – une dizaine de peintures de Bordeaux et de Caen en constituent le point de départ –, suscitera, dans d’autres institutions, des projets de cette envergure autour des collections publiques.
Jusqu’au 19 mars, Musée des beaux-arts, 20, cours d’Albret, 33000 Bordeaux, tél. 05 56 10 20 56, tlj sauf mardi, 11h-18h. Catalogue Somogy, 304 p., 40 euros, ISBN 2-85056-937-2. L’exposition sera ensuite présentée au Musée des beaux-arts de Caen, du 1er avril au 3 juillet.
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Venise ou l’art des sens
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Abonnez-vous dès 1 €- Commissariat général : Olivier Le Bihan et Patrick Ramade - Nombre d’œuvres : 70 peintures et 50 dessins - Budget global pour les deux étapes : 750 000 euros
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°228 du 6 janvier 2006, avec le titre suivant : Venise ou l’art des sens