À l’occasion de la parution de la nouvelle édition des Lettres de Vincent Van Gogh, le Musée Van-Gogh à Amsterdam propose de redécouvrir ses collections à l’aune de ces missives
AMSTERDAM - L’année 2009 marque une étape importante pour le Musée Van-Gogh à Amsterdam. En collaboration avec le Huygens Institute of the Royal Netherlands Academy of Arts and Sciences, le musée vient de livrer la nouvelle (et sans doute ultime) édition de la correspondance de Vincent Van Gogh. Fruit de quinze ans de travail méthodique conduit à l’initiative de l’ancien directeur Ronald De Leeuw, cet ouvrage en six volumes réunit les 902 lettres (dont 813 écrites par Vincent) de la correspondance, un ensemble sur lesquel s’est penchée une équipe de trois spécialistes composée de Nienke Bakker, Leo Jansen et Hans Luijten. Outre une minutieuse étape de transcription, la difficulté principale apparut avec la correction des textes, dont il fallait préserver l’esprit. Sans oublier la réorganisation des feuillets, la traduction en anglais des lettres originales écrites en hollandais et en français et l’illustration systématique des œuvres d’art citées dans le texte. Mais le plus gros travail de recherche fut sans conteste l’annotation des textes, leur datation et l’identification de chacun des lieux cités, de chacune des personnes, citations ou œuvres mentionnées, le tout étant compilé sous la forme d’un index. « Nous avons donné à ces lettres leur troisième dimension », résume Leo Jansen, qui concède avoir tenu grâce à « la richesse des idées et l’énergie de Van Gogh ».
Perspective équilibrée
Le musée a souhaité célébrer l’aboutissement de ce projet titanesque en réorganisant sa collection autour de cent vingt missives rédigées par ou adressées à Van Gogh. Trois mois durant, cet accrochage sera une occasion unique d’observer Van Gogh l’auteur confronté avec Van Gogh le peintre. Comme le rappelle le directeur des lieux, Axel Rüger, Van Gogh a « laissé derrière lui un monument littéraire », l’écriture étant à ses yeux une autre forme artistique, expressive et créative. La scénographie s’autorise des perspectives réjouissantes, juxtaposant des lettres illustrées avec les tableaux (Bateaux de pêche sur la plage de Saintes-Maries-de-la-Mer (1888), Petit poirier en fleurs (1888)…) pour se rapprocher au plus près du processus créatif. Ainsi d’un dessin de la célèbre Chambre à coucher (1888), dont la perspective ici parfaitement orchestrée n’augure en rien du déséquilibre qui a donné sa renommée au tableau. À force d’observer la manière dont ses idées mûrissent en passant du papier à lettres à la toile enchâssée, se dégage un rare sentiment d’intimité avec l’artiste. Si le Musée Van-Gogh possède 90 % des lettres de l’artiste, la Morgan Library & Museum de New York a concédé le prêt exceptionnel de trois missives de Vincent adressées au peintre et écrivain Émile Bernard. Ce dernier signe d’ailleurs un courrier émouvant où il décrit les funérailles de son ami d’Auvers-sur-Oise et qui vaut à lui seul le voyage à Amsterdam.
L’ère du numérique
Pour tous les passionnés de Van Gogh se trouvant dans l’incapacité de débourser les quelque 400 euros nécessaires à l’achat de l’ouvrage papier, le musée a lancé le site Internet www.vangoghletters.com. Particulièrement facile d’utilisation, cette version numérique contient une mine d’informations qui réjouira tous les chercheurs, étudiants et amateurs. Toutes les lettres y sont accessibles en fac-similé, les textes sont retranscrits dans leur version originale et traduits en anglais, tandis qu’une multitude d’index (lieu, œuvre d’art, date, destinataire…) permet une navigation des plus enrichissantes.
Les clichés d’Alfred Stevens
Parallèlement à ce raccrochage, le Musée Van-Gogh présente, en collaboration avec les Musées royaux des beaux-arts de Belgique à Bruxelles, la première rétrospective en Hollande consacrée au peintre belge Alfred Stevens (1823-1906). Réunies dans un parcours à l’enchaînement thématique efficace (la femme fatale, la femme d’intérieur, les marines, le japonisme…), la soixantaine de toiles évoque à merveille le Paris bourgeois de la fin du XIXe siècle, le poids de la hiérarchie sociale, la vision idéalisée de la famille, et surtout la situation sociale suffocante dans laquelle étaient maintenues les femmes (jusqu’au 24 janvier 2010).
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Van Gogh, entre plume et pinceaux
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €VAN GOGH’S LETTERS : THE ARTIST SPEAKS, jusqu’au 3 janvier 2010, Van Gogh Museum, 7 Paulus Potterstraat, Amsterdam, tél. 31 20 570 5200, www.vangoghmuseum.nl, tlj 10h-18h, 10h-22h le vendredi, fermé le 1er janvier. La correspondance est disponible en néerlandais (Amsterdam University Press), en anglais (Thames & Hudson) et en français (Actes Sud, Arles, 2180 p., env. 4 300 ill. coul., 325 euros jusqu’au 31 janvier 2010, puis 395 euros, ISBN 978-2-7427-8586-5). Site Internet : www.vangoghletters.com. Pour se rendre à Amsterdam : www.thalys.com
VAN GOGH’S LETTERS
Commissaires : Nienke Bakker, Leo Jansen et Hans Luijten
Scénographie : Wim Crouwel
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°312 du 30 octobre 2009, avec le titre suivant : Van Gogh, entre plume et pinceaux