Le Metropolitan Museum of Art hisse Valentin de Boulogne sur un piédestal. Le peintre affirma dès ses débuts sa personnalité propre et développa une œuvre puissante et raffinée.
NEW YORK - « Comment ne pas aimer Valentin ? Ses œuvres contiennent une telle sincérité, une telle émotion, une telle humanité ; elles possèdent une association rare de délicatesse et de sauvagerie », confie Jean-Pierre Cuzin, ancien chef du département des Peintures au Louvre. De part et d’autre de l’Atlantique, Valentin de Boulogne (1591-1632) est à l’honneur dans deux expositions qui portent le même titre « Beyond Caravaggio » [« Au-delà du Caravage »] : dans la rétrospective du Metropolitan Museum of Art et à la National Gallery de Londres où le goût anglais pour la peinture caravagesque est célébré (lire le JdA no 467, 11 novembre 2016), deux tableaux assez spectaculaires y sont présentés, Le Concert de Chatsworth (The Devonshire Collection) et Les Quatre Âges de l’homme (The National Gallery, Londres).
Si la plupart des peintres caravagesques ont déjà fait l’objet d’expositions monographiques, tel n’était pas le cas de Valentin. L’artiste a été réellement redécouvert en 1973-1974 à la Villa Médicis grâce à deux de ses pensionnaires, Arnaud Brejon de Lavergnée et Jean-Pierre Cuzin, co-commissaires de « Valentin et les caravagesques français ».
La rétrospective du Met constitue une occasion unique pour embrasser tout son œuvre dont près de 45 tableaux sur la soixantaine connue sont réunis. L’exercice est une gageure. Tous ne sont pas dans le même état de conservation et certains ont beaucoup souffert, ce que les commissaires expliquent tant par la technique du peintre que par l’histoire des objets eux-mêmes. C’est le cas du Saint Jean-Baptiste de la cathédrale de Saint-Jean-de-Maurienne, autrefois placé au-dessus du portail chaque 24 juin à l’occasion de la fête du saint, alors que les tableaux de Versailles, très peu manipulés, sont dans un état remarquable. Keith Christiansen, conservateur au Met, a pris néanmoins le parti d’exposer tous les tableaux qui constituent des jalons essentiels à la compréhension de son œuvre. À partir de février 2017, le Louvre proposera une formule plus resserrée autour du corpus, ce qui facilitera sans doute la lecture du public. À Paris d’ailleurs, les tableaux russes seront présents – un embargo n’a pas permis d’obtenir les prêts à New York –, sauf La Compagnie de musiciens de la collection Liechtenstein, une réponse subtile à l’affaire du faux Cranach. Les deux expositions seront donc complémentaires.
Le Metropolitan propose une formidable opportunité pour suivre les développements d’un peintre qui n’eut de cesse de gagner en intensité et en puissance. Grâce aux recherches de Patrizia Cavazzini, sa présence à Rome est désormais attestée dès 1614, et sans doute probablement à partir de 1609. Si la première salle du parcours témoigne de ses emprunts à Ribera ou à Cecco del Caravaggio, elle révèle une personnalité très affirmée. Dans ses premières œuvres connues, il se distingue par son étude unique de la psychologie de ses figures dont rendent compte Les Joueurs de cartes de Dresde ou Le Couronnement d’épines (collection particulière), une association exceptionnelle de violence, d’élégance et de méditation qui préfigure ses travaux futurs. Il est en revanche plus difficile de comprendre la place dans son œuvre du Martyre de saint Barthélémy (Gallerie dell’Accademia, Venise) et du Retour du fils prodigue (Museo della Venerabile Arciconfraternita della Misericordia, Florence). Dès ses prémices, Valentin affirma surtout ses ambitions, ce que montre, malgré son état, Le Martyre de saint Laurent des collections royales espagnoles (Musée du Prado, Madrid), peint bien avant les chefs-d’œuvre de la Villa Lante (Rome) et du Vatican.
Au-delà du Caravage
Valentin, comme Annick Lemoine l’a souligné dans son essai, était particulièrement apprécié par Mazarin (qui possédait huit tableaux), Jabach ou Louis XIV – cinq de ses œuvres sont encore in situ à Versailles. Si l’on ajoute la superbe Judith du Musée des Augustins (Toulouse) et les tableaux du Louvre dont Le Concert au bas-relief et Le Jugement de Salomon, les collections françaises sont donc riches. Leur présentation, aux côtés des dernières œuvres, L’Allégorie de l’Italie (Villa Lante), Le Martyre de saint Procès et saint Martinien (Musées du Vatican) ou Le Samson de Cleveland, quintessences du raffinement de la culture dans l’entourage des Barberini, offre un autre éclairage sur sa courte carrière.
L’exposition du Metropolitan permet certes de montrer combien Valentin était bien plus qu’un suiveur du Caravage, un titre auquel il a trop souvent été réduit même s’il en tira les meilleurs enseignements. Elle a aussi un autre mérite, peu commun, celui d’avoir mis en sécurité les deux œuvres de Camerino, une commune italienne gravement affectée par le récent tremblement de terre.
Commissaires : Keith Christiansen, conservateur au Met ; Annick Lemoine
Œuvres de Valentin : 45
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Valentin, bien plus qu’un suiveur
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Abonnez-vous dès 1 €Jusqu’au 16 janvier 2017, The Metropolitan Museum of Art, 1000 Fifth Avenue, New York, du dimanche au jeudi 10h-17h30, vendredi et samedi jusqu’à 21h, www.metmuseum.org, entrée 25 $ (env. 23 €)
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°469 du 9 décembre 2016, avec le titre suivant : Valentin, bien plus qu’un suiveur