PARIS
Avançant sous la nef et découvrant à la fois l’histoire, le contexte médiatique de l’époque et les décors du palais que le jeune couple princier fit bâtir à partir de 1929, on pense, le modifiant à peine, au vers de Baudelaire.
Ici, tout n’est que luxe, calme et… modernité. Mais la volupté n’est pas loin, celle du raffinement absolu apporté par les grands créateurs du moment, surtout français, Jean Puiforcat, Jacques-Émile Ruhlmann, Jean Luce ou Chaumet, que ce soit en mobilier, céramique ou joaillerie. D’autres noms célèbres participent à l’aura du maharajah et de la maharani. Brancusi réalise d’un seul élan aérien l’Oiseau dans l’espace, Man Ray photographie le duo complice et le peintre Boutet de Monvel signe quatre saisissants portraits, deux en costumes traditionnels avec sabre, turban et sari au fil d’or, deux en tenue de soirée parisienne avec escarpins vernis et collier de diamants. Réunis pour la première fois, ces tableaux accueillent le visiteur avant que celui-ci ne voie les chambres, le bureau, le dressing, reconstitués presque à l’identique, au long des salles relatant les étapes de cette aventure. Devant la pureté des lignes, les alliances du verre, du métal chromé et de l’ébène de Macassar, le regard est séduit par l’innovation des formes malgré la froideur des matières. Le vaste tapis d’Ivan da Silva Bruhns est une merveilleuse composition abstraite de tons ocre, noir et brun, les couleurs aimées du prince. À l’origine de ce fastueux projet, il y a autour de l’héritier de la dynastie Holkar un réseau d’amis qui font de sa résidence privée de Manik Bagh un lieu où l’avant-garde européenne donne rendez-vous aux anciennes coutumes indiennes. Henri-Pierre Roché, Jacques Doucet et l’architecte berlinois Eckart Muthesius unissent leurs talents et leur désir de nouvelles recherches stylistiques et fonctionnelles afin de satisfaire un mécène qui sait imposer ses goûts. Voir ces centaines de pièces vaut un voyage à Manik Bagh. Car le mythique palais est désormais fermé au public.
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°728 du 1 novembre 2019, avec le titre suivant : Une invitation au palais d’Indore