En 1974, les archéologues chinois mettent au jour les 7 000 guerriers en terre cuite de la tombe du premier empereur Qin-Shi Huangdi, à Lintong. Cette découverte majeure inaugure un véritable âge d’or de l’archéologie chinoise. C’est ce titre qu’a choisi la National Gallery de Washington pour la présentation de 265 objets exhumés en Chine au cours des vingt-cinq dernières années.
WASHINGTON - Deux semaines avant le cinquantième anniversaire de la naissance de la République populaire de Chine, et après cinq ans de préparation à laquelle les diplomaties américaine et chinoise ont apporté leur concours, “L’âge d’or de l’archéologie chinoise” rassemble à Washington 265 objets prêtés par trente-sept musées et institutions archéologiques des provinces de Chine. Ces jades, laques, soies, céramiques, objets en or ou en argent, sculptures en terre cuite, bois, pierre et bronze, illustrant 6 000 ans d’histoire, ont pour la plupart été découverts au cours des vingt-cinq dernières années, époque où les archéologues chinois ont enfin commencé à explorer systématiquement leur passé. Leurs trouvailles éclairent d’un jour nouveau notre conception de la civilisation chinoise. “L’archéologie moderne n’existe dans ce pays que depuis le début du XXe siècle. C’est une discipline toute jeune par rapport à l’archéologie romaine, grecque ou égyptienne”, explique Xiaoneng Yang, conservateur du département d’Art chinois au Nelson-Atkins Museum de Kansas City et organisateur de l’exposition. Les premières fouilles datent de 1911, après la chute de la dynastie Qing et la création de la République de Chine. Épris de culture occidentale, les intellectuels chinois ont alors ouvert les portes de leur pays aux chercheurs et aux archéologues, qui ont exporté nombre de leurs découvertes. Aurel Stein, citoyen britannique d’origine hongroise, s’est ainsi approprié plus de 10 000 peintures, textiles, gravures, manuscrits et autres objets exhumés dans les grottes de Mogaoku – aujourd’hui conservés au British Museum et à la British Library, à Londres, ainsi qu’au Musée national de New Delhi. Pendant les soixante-quinze années qui ont suivi, cette discipline est devenue l’apanage des intellectuels chinois. Cependant, elle a toujours été régie par les impératifs du développement urbain, et l’archéologie de sauvetage demeure prépondérante. Le projet du barrage des Trois Gorges inquiète tout particulièrement les archéologues travaillant sur place. Ils prévoient qu’à son achèvement, en 2009, 1 300 sites inexplorés seront inondés, perdus à jamais, faute de temps et d’argent pour effectuer des fouilles. Mais il pèse sur l’archéologie une menace encore plus grave : les bandes organisées de contrebandiers armés qui, malgré la peine de mort encourue, exportent illicitement des objets culturels revendus à prix d’or. Par ailleurs, l’absence de relève dans la profession est préoccupante – “Cette discipline exige un travail pénible et paye mal, ce qui n’attire guère les jeunes étudiants”, note le Dr Yang –, de même que le manque de musées disposant d’équipements modernes pour la conservation des innombrables objets mis au jour.
L’histoire rejoint la légende
Malgré ces difficultés, la nouvelle science accumule les découvertes de premier ordre. Ainsi, en 1986, à Sanxingdui, dans le sud-ouest de la Chine, les ouvriers d’une briqueterie ont trouvé deux fosses contenant soixante défenses d’éléphant, plus de cinquante têtes de bronze grandeur nature, vingt masques de bronze, des objets en or et en argent, des vases rituels, des jades, et une tête de bronze décorée à la feuille d’or, du XVIe au XIe siècle av. J.-C., contemporaine de la dynastie Shang, la seule figure humaine grandeur nature de l’âge du Bronze. Aucun texte ancien ne permet d’identifier cette culture, et il ne s’agit pas d’un trésor funéraire, les fosses ne renfermant aucun squelette. Grâce à de telles trouvailles, hors de la sphère d’influence des Shang, l’âge du Bronze montre un visage plus varié et complexe qu’on ne l’imaginait.
Autre exemple de découverte fondamentale, une plaque de bronze incrustée de turquoises, créée par un peuple vivant près d’Erlitou, au centre de la Chine septentrionale, vers 1900-1500 av. J.-C. Les premiers récipients en bronze ont été trouvés sur ce site, que l’on rapproche de la dynastie Xia, la première des trois – Xia, Shang et Zhou – mentionnées dans les textes anciens. Jusqu’aux fouilles d’Erlitou, qui apportent la preuve de son existence, les historiens la considéraient comme une invention des historiens Zhou. Quand l’histoire rejoint la légende...
19 septembre- 2 janvier 2000, National Gallery of Art, Fourth Street at Constitution Avenue, Washington D.C., tél. 1 202 737 4215, tlj 10h-17h, dimanche 11h-18h. Puis, 13 février-7 mai, Museum of Fine Arts, Houston ; 17 juin-11 septembre, Asian Art Museum, San Francisco.
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Une histoire exhumée
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°88 du 10 septembre 1999, avec le titre suivant : Une histoire exhumée