PHOTOGRAPHIE

Une histoire de la photographie à Metz

Par Christine Coste · Le Journal des Arts

Le 2 octobre 2024 - 761 mots

Sam Stourdzé explore l’histoire de la photographie à travers ses révolutions techniques.

Metz (Moselle). Bien qu’on ne s’attendait pas à voir Sam Stourdzé au Centre Pompidou-Metz, en raison de ses fonctions de directeur de la Villa Médicis à Rome, un échange avec Chiara Parisi, il y a deux ans, l’a amené à proposer une exposition qu’il n’avait jamais pu réaliser. « Depuis longtemps, j’avais l’idée d’une grande promenade dans l’histoire de la photographie à partir des trois grandes conquêtes techniques que furent la fixation de l’image, du temps et de la couleur », explique-t-il. Après un parcours de commissaire indépendant et de directeur successif du Musée de l’Élysée à Lausanne et des « Rencontres de la photographie d’Arles », Sam Stourdzé s’est donc attelé à une vaste entreprise.

En France, la dernière a été celle marquante de « Jan Dibbets », « La Boîte de Pandore », au Musée d’art moderne de Paris, en 2016. Dès les premières salles du Centre Pompidou-Metz, le lien avec cette précédente exposition est perceptible. Car la trame principale du propos de l’artiste néerlandais reposait, elle aussi, sur ce que les possibilités techniques du médium – découverte, exploration, réinventions et évolutions constantes – avaient généré tant au niveau scientifique qu’artistique au cours des XIXe et XXe siècles, et dans une mise en dialogue particulièrement éclairante entre travaux pionniers de la photographie et d’artistes contemporains. Le postulat posé dès le début par Jan Dibbets était toutefois plus tranché : « La photographie scientifique du XIXe siècle a favorisé une utilisation du médium bien plus libre et désenclavée […]. » « C’est elle qui a rendu possible l’évolution de la photographie vers l’art », affirmait-il. L’artiste, qui n’avait « jamais réfléchi à la photographie dans une perspective historique » comme il le soulignait lui-même, s’était mis en quête des racines de la photographie plasticienne.

Tout autre est le positionnement de Sam Stourdzé de par son parcours. Sa relecture de l’histoire de la photographie, à partir des défis techniques que le médium a posés dès son invention, s’attache à ce qui s’est joué dans la fixation et reproduction de l’image, l’instantané et la couleur, et dans leurs usages multiples. Trois défis abordés l’un après l’autre d’une manière claire (excepté au début où aucune indication n’est donnée sur le sens de la visite) et développés dans des rapprochements réguliers d’œuvres d’époques différentes grâce à des prêts d’œuvres exceptionnels émanant d’institutions diverses.

Repeint_29 de Dove Allouche, photographie agrandie des milliers de fois d’un échantillon de peinture prélevé sur un tableau de la Renaissance italienne du Louvre, dialogue ainsi avec La Joconde reproduite par Le Gray et des photographies grand format de 1895 de La Cène pour sa restauration par Achille Ferrario. Les ciels étoilés de Thomas Ruff jouxtent ceux de 1880 des opticiens et astronomes Paul-Pierre et Prosper-Mathieu Henry, et les travaux pionniers des physiciens Eadweard Muybridge et Étienne-Jules Marey sont mis en regard de sculptures de chevaux d’Edgard Degas qui s’appuya sur les découvertes de Muybridge pour leur réalisation. Ailleurs, ce sont les études de la variation de la couleur et de ses interactions sur la perception de Laure Tiberghien, flirtant avec les abstractions de Mark Rothko et les autochromes des Archives de la Planète du banquier et philanthrope Albert Kahn, qui conversent avec les toutes premières photographies couleur signées Louis Ducos du Hauron.

Particulièrement intéressants sont également les focus consacrés sur la relation de Brâncusi, à la photographie et celui sur Harold Edgerton, professeur d’ingénierie électrique au Massachusetts Institute of Technology (MIT), inventeur en 1926 du flash stroboscopique et auteur d’une variété d’images insoupçonnées en dehors du célèbre rebond d’une goutte de lait. Le parti pris de privilégier des ensembles d’œuvres pour un même auteur et les prêts exceptionnels obtenus sont les autres atouts de l’exposition où l’on relève par ailleurs, surtout pour la partie consacrée à la couleur, les photographes fétiches de Sam Stourdzé que sont Saul Leiter ou Helen Levitt.

Le choix de Stourdzé de ne pas inclure la révolution numérique ni les impacts de l’intelligence artificielle se justifie par le fait que « ces questions ne se sont pas posées lors de l’invention de la photographie ».

Placé à l’entrée de l’exposition, le film noir et blanc muet de 35 secondes d’Étienne-Jules Marey, filmant en 1891 Georges Demenÿ prononçant et répétant « la photographie est une merveille invention », est à cet égard une belle introduction à la révolution visuelle et aux avancées scientifiques et esthétiques que provoqua le médium. La fin du parcours avec trois peintures de Gerhard Richter ne l’est pas moins dans son usage de la photographie pour réinterpréter en peinture le portrait, le flou, le paysage, la peinture d’histoire.

Voir le temps en couleurs. Les défis de la photographie,
jusqu’au 18 novembre 2024, Centre Pompidou-Metz, 1, parvis des Droits de l’Homme, 57000 Met

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°640 du 4 octobre 2024, avec le titre suivant : Une histoire de la photographie à Metz

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