NANTES
Coup de cœur À Nantes, le rapprochement des tableaux du XVIIIe siècle et des vêtements de la même époque brille par sa pertinence comme par la joie qu’il dégage. Assurément l’une des expositions les plus réussies en la matière.
C’est une silhouette reconnaissable entre toutes. Une longue robe très évasée dont le dos comporte des plis sculpturaux, sensuels, et terriblement pittoresques. Ce vêtement a d’ailleurs été maintes fois peint et dessiné par Antoine Watteau, à tel point que la robe volante est aussi connue sous le vocable de « robe à plis Watteau ». Il faut dire que le peintre en a fait bien plus qu’un accessoire, il l’a hissée au rang de personnage à part entière de ses tableaux, et même d’élément constitutif d’un genre artistique : la scène galante. À telle enseigne que la simple évocation de cette pièce mythique du vestiaire de l’Ancien Régime convoque irrépressiblement l’univers mental du XVIIIe siècle. Ce constat est tout aussi valable pour nombre d’autres pièces de la garde-robe des Lumières : l’habit à la française avec gilet et culotte, les pièces d’estomac finement ouvragées et la désinvolte chemise. Sans oublier la robe de chambre, le vêtement par excellence des artistes et des philosophes.
Nul besoin d’être spécialiste de l’histoire du costume, ni même une fashionista, pour reconnaître ces habits tant ils hantent notre imaginaire. Et pour cause, puisqu’ils ont été immortalisés par les plus grands peintres de scènes de genre et surtout de portraits. Cette omniprésence de la mode dans l’art est tout sauf un hasard. Car le concept de mode tel qu’on le définit aujourd’hui a été forgé au XVIIIe siècle. Plus décisif encore, son essor a coïncidé avec la consécration d’un genre jusqu’ici jugé mineur : le portrait. Cette simultanéité des pratiques va sceller leur destin et les lier durablement. La mode et le portrait vont ainsi être deux armes au service d’une même cause : l’affirmation de l’individu et sa volonté de se mettre en scène.
Dans ce petit théâtre des apparences, le costume est un langage à part entière. Dentelle, satin de soie, taffetas, sans oublier les tissus incrustés de fils d’or : rien n’est trop beau pour attirer le regard et revendiquer sa personnalité ou son statut. Nombre d’artistes avisés comprennent instantanément le nouvel engouement de leur clientèle pour la mode et surfent sur ce phénomène. Certains deviennent même de véritables experts dans le rendu des matières précieuses, des coupes flatteuses et des motifs élaborés, à l’instar des Van Loo, une dynastie de peintres qui entretient des liens étroits avec les soyeux lyonnais, comme le rappelle l’extraordinaire Portrait d’inconnu conservé au château de Versailles. Cette pépite, qui imprime durablement la rétine, n’est que l’une des merveilles que l’exposition déroule dans un parcours ciselé. Festival de tenues mirifiques et d’œuvres de haute volée, cette exposition est assurément l’une des plus belles sur les rapports entre art et mode. Portée par une réflexion d’une grande finesse, elle évite constamment l’écueil fréquent de ce type de projet : limiter l’œuvre à une fonction illustrative. Elle brode au contraire un récit sociologique, historique et artistique aussi passionnant que réjouissant. Chapeau !
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°751 du 1 février 2022, avec le titre suivant : Une expositionsur mesure !