NANTES
Malgré son titre accrocheur, l’exposition nantaise n’est pas un énième blockbuster sur Monet et consorts.
Cette manifestation, aussi fine dans son propos que réussie dans son accrochage, est au contraire le résultat d’une enquête au long cours. L’aventure a en effet débuté en 2005 par la découverte d’un petit livret. Cyrille Sciama, conservateur des collections XIXe, exhume alors le catalogue des mille sept cent quatre-vingt-dix-neuf œuvres présentées à l’Exposition des beaux-arts organisée à Nantes en 1886. Cet événement majeur a frappé les esprits car il a marqué un tournant culturel pour la Ville et la rencontre fracassante de la cité avec l’avant-garde. Cette manifestation présentait en effet des académiques – Merson, Gérôme et Delaunay –, mais aussi les tenants d’une nouvelle manière de peindre, dont Renoir, Pissarro, Seurat, Guillaumin et Stevens.
Ce salon fut salué par la presse pour son ampleur et sa concentration de chefs-d’œuvre. Mais la salle IX, qui constituait la première irruption massive des impressionnistes en province, déchaîna l’ire des commentateurs. Ces œuvres suscitèrent l’incompréhension et la moquerie, et donnèrent lieu à une campagne médiatique fustigeant la « fumisterie » de ces rapins cherchant à saisir « l’air ambiant ».
Pour faire revivre ce combat des anciens et des modernes, et donner à voir une formidable réflexion sur l’histoire du goût, Cyrille Sciama a mené un véritable jeu de piste. À partir du fameux livret, le conservateur a fouillé les archives municipales, dépouillé les articles de presse et traqué les œuvres phares ; afin de réunir les plus significatives dans une nouvelle exposition. Grâce à un travail de longue haleine, il est, notamment, parvenu à reconstituer presque entièrement la salle des impressionnistes : une gageure. En 1886, galvanisée par l’ambiance sulfureuse, l’exposition avait été un franc succès : plus de cent mille personnes avaient accouru, et la manifestation avait été prolongée. Souhaitons à sa « réplique » de rencontrer, au moins, le même succès !
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°718 du 1 décembre 2018, avec le titre suivant : Une exposition purement scandaleuse !