Héritiers malgré eux des pharaons, les Coptes ont développé à partir du IIIe siècle un art original, synthèse parfois naïve de toutes les cultures qui se sont succédé sur la terre d’Égypte. En 350 œuvres, souvent importantes, l’exposition de l’Institut du monde arabe évoque deux mille ans d’art copte, dans un parcours qui manque de pertinence.
PARIS - Dès le XVIIe siècle, des érudits, tels Peiresc et Kircher, avaient eu l’intuition que la langue copte n’était rien d’autre qu’un stade ultime de l’égyptien ancien. Et elle servit en effet de sésame à Champollion pour déchiffrer l’écriture hiéroglyphique, comme l’illustre le manuscrit autographe de sa Grammaire égyptienne. L’exposition s’ouvre justement sur l’évocation des “influences pharaoniques” dans l’art copte, dont la croix ansée, dérivée du signe ankh (vie), symbole de la nouvelle foi, constitue l’emblème. Plus que d’influences, terme un peu vague et pas nécessairement pertinent, c’est plutôt d’héritage qu’il faut parler. Un héritage partagé avec l’ensemble de la chrétienté après le Concile d’Éphèse, puisque, à l’instar d’Isis, la Vierge Marie fut déclarée Theotokos, Mère de Dieu, une évolution théologique soutenue par Cyrille, l’évêque d’Alexandrie.
L’acceptation de cet héritage ne se fit pourtant pas sans réticence : “Souvenez-vous de l’ancienne Égypte, si rebelle à Dieu, adoratrice des chats […], et vous comprendrez la puissance du Christ”, tonne saint Jean Chrysostome dans son Homélie sur saint Matthieu, citée par Christian Cannuyer.
Cependant, l’exceptionnel sarcophage aux paons d’Heidelberg témoigne de la prégnance de certaines traditions ancestrales. La simple grâce de Dieu ne pouvait effacer trois mille ans d’histoire, et l’exposition tend d’ailleurs à présenter le développement de l’art copte comme un empilement d’influences pharaonique, hellénistique, puis, à partir du VIIe siècle, islamique. Alors que son originalité réside dans la synthèse de toutes ces cultures dans une forme souvent naïve, populaire en un mot, plus synthétique qu’imitative. Peinture sur panneau (Le Christ et l’abbé Ména) ou sur parchemin (La Vierge allaitant), sculpture sur bois (couvercle de coffret représentant un saint) ou sur pierre (stèles funéraires avec un orant), orfèvrerie ou tapisserie, les artistes coptes privilégient une pure frontalité, jusqu’à l’absurde, quand ils peignent la Vierge et l’ange Gabriel de face dans la scène de l’Annonciation ! Malheureusement, les commissaires de l’exposition n’ont pas jugé bon d’organiser la présentation des œuvres et des objets de manière plus chronologique, un parti pris tendant à considérer l’art copte comme un tout et à en négliger les évolutions. Quant aux Coptes d’aujourd’hui, ils ne sont guère évoqués qu’à travers une vidéo, alors même que le renouveau de leur culture, et notamment du phénomène monastique, constitue un fait marquant du siècle écoulé.
Le célèbre épisode de la Fuite en Égypte désignait la terre des pharaons pour occuper une place de premier rang dans la chrétienté ; l’invention du monachisme sous l’impulsion de saint Antoine le Grand et de saint Paul le Thébain, puis de saint Pacôme, ne fut pas la moindre de ses contributions. Installés dans des régions désertiques, les monastères ont constitué l’un des principaux foyers de la production artistique dans l’Égypte copte : les nombreux manuscrits présentés dans l’exposition témoignent de l’activité des scriptorii, tandis que la vie dans les monastères et les ermitages est évoquée à travers divers objets comme les imposantes clés ou divers éléments de décor, fragments de peintures murales ou bas-reliefs. Au regard de la longue file de stèles funéraires qui suit, cette évocation du mouvement monastique paraît bien maigre, même si l’art copte n’a pas été qu’un art chrétien. Léda et le cygne ou l’Enlèvement d’Europe peuplent ainsi des niches sculptées d’inspiration hellénistique, de même que les tissus s’ornent volontiers de scènes nilotiques ou mythologiques.
Les tissus à l’écart
Ouverte justement sur deux tissus d’inspiration romaine, représentant le dieu Nil et la déesse de la Terre Gê, l’exposition se conclut sur une salle consacrée aux textiles, sans doute le domaine de l’art copte le plus connu hors d’Égypte. D’ailleurs, on ne comprend pas très bien ce qui justifie de séparer la présentation de cette technique et celle des autres telles que la sculpture, la peinture… alors que s’y expriment les mêmes thèmes et les mêmes schémas iconographiques.
- L’ART COPTE EN ÉGYPTE, 2 000 ANS DE CHRISTIANISME, jusqu’au 3 septembre, Institut du monde arabe, 1 rue des Fossés-Saint-Bernard, 75005 Paris, tél. 01 40 51 38 38, tlj sauf lundi 10h-18h. Puis au Cap-d’Agde, Musée de l’Éphèbe, 30 septembre 2000-7 janvier 2001.
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Une Égypte chrétienne
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Abonnez-vous dès 1 €- Catalogue de l’exposition, L’Art copte en Égypte, éd. IMA/Gallimard, 240 p., 280 ill., 200 F (broché) ou 300 F (relié).
- Et aussi le hors-série de L’Œil en vente au musée et en kiosque, 30 F.
- Christian Cannuyer, L’Égypte copte, les chrétiens du Nil, Découvertes Gallimard, 144 p., 75 F.
- Massimo Cappuani, L’Égypte copte, éd. Citadelles & Mazenod, 256 p., 278 ill., 450 F.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°106 du 26 mai 2000, avec le titre suivant : Une Égypte chrétienne