Le Fonds Hélène & Édouard Leclerc réunit plus de 50 artistes internationaux majeurs de la Figuration libre, mouvement qui a traversé les années 1980.
Landerneau. Ce serait une litote que de dire que la Figuration libre - nom que l’on doit à Ben - est une peinture non académique. Tout laisse à croire que les artistes de la fin des années 1970 et 1980, exposés à Landerneau, s’inspirent de tout, sauf de la peinture. Bande dessinée, cinéma, publicité, on retrouve ici l’univers pop, traversé toutefois par un imaginaire débridé.
Selon Pascale Le Thorel, commissaire de l’exposition, la Figuration libre est « un moment de dégel politique et social, de fête, de fun, une production… provocante, vitale, énergique, pulsionnelle, qui refuse la théorie, les manifestes, les normes ». C’est surtout avec les artistes français - Combas, Hervé et Richard Di Rosa, pour ne citer que les plus connus - que la fête commence. Les titres parlent d’eux-mêmes : La plus belle histoire du monde (Hervé Di Rosa, 1981), Bacchanales avec gros Bacchus (Combas, 1985), Spanish Lovers… Avec eux, on découvre un univers qui flirte avec les contes de fée, des rencontres du troisième type entre les frères Grimm et Tarzan, le tout parfois monstrueux, souvent semé d’accents inquiétants. Dans une nature luxuriante, une jungle (?) avec les dénommées Bacchanales, dans un fond de mer (Dirosousleau, Hervé Di Rosa, 1985), des personnages hybrides font leur apparition en se bousculant. Un peu perplexe, le spectateur hésite : est-ce un geste vigoureux ou une peinture un peu bâclée, en quelque sorte du bad painting version baroque ? On a le droit de préférer Philippe Hortala, dont la spontanéité, maîtrisée davantage, garde néanmoins une expressivité brutale. La formidable série « Têtes-Yeux » (1982-1984) et ses personnages déformés et grimaçants en est l’exemple. Ailleurs, les œuvres de François Boisrond et de Rémi Blanchard, d’une fausse gaucherie, séduisent par leur étrange mélancolie.
Le mérite principal de l’exposition est de faire le tour des artistes ayant en commun des pratiques d’underground, de subculture. À New-York et à Berlin, à Cologne ou à Leningrad, ils partagent tous le goût pour la vie nocturne, le rock’n’roll, les drogues et le sexe. Cependant, même s’il s’agit d’un phénomène « globalisant », le langage varie selon le contexte. À New-York, c’est l’explosion de graffitis qui fait connaître Basquiat et Keith Haring. Les travaux sont réalisés - au moins au départ - directement dans les rues et s’attaquent à l’espace urbain et à son rythme frénétique. Ces œuvres doivent leur puissance au graphisme réduit à l’essentiel, des formes métamorphosées en signes qui dégagent un sentiment d’urgence. Le sida est passé par là. À l’écart de ces cris brûlants, les quelques tableaux intimistes et pleins de charme de Samantha McEwen offrent un rare moment de silence - même si l’on voit mal son lien avec les graffitistes. Nettement moins convaincante est la peinture psychédélique de Kenny Scharf, trop kitch pour être mordante.
Ailleurs, l’ensemble des Nouveaux Fauves s’inscrit dans un climat bien différent. Ce terme, Neue Wilde, fait référence à une génération d’artistes allemands – Rainer Fetting, Bernd Zimmer, Luciano Castelli, Salomé… L’exacerbation de la couleur, ainsi qu’un travail important sur la texture, donne une intensité, une rage, une explosion picturale susceptible d’agresser le spectateur. Provocatrice, brutale, cette peinture se nourrit de la tradition expressionniste, ironie en plus. Ainsi, çà et là, un Indien, un arc à la main, est comme une version moderne du primitivisme africain répandu au début de siècle (Indian, (self), Rainer Fetting, 1984).
Cependant, la surprise principale est le groupe des Nouveaux artistes, fondé en 1982, qui s’active dans la clandestinité à Leningrad. Oleg Kotelnikov ou Afrika, Inal Savchenkov ou Andrei Krissanov, traitent avec une violence inouïe ce qui semble être la vie quotidienne soviétique (Killer Doctors, 1982 et Les années d’école, 1984, Oleg Kotelnikov). Figuration libre ? Sans doute. Mais plus encore une manière de trouver un brin de liberté dans une société qui n’en laisse aucune.
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Un vent de liberté souffle sur le Fonds Leclerc
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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°492 du 4 janvier 2018, avec le titre suivant : Un vent de liberté souffle sur le Fonds Leclerc