Un talent impérial

Adriaen de Vries au Rijksmuseum d’Amsterdam

Le Journal des Arts

Le 22 janvier 1999 - 474 mots

Sculpteur itinérant, le Hollandais Adriaen de Vries atteint le sommet de sa carrière à Prague, à la cour de Rodolphe II, dans la première décennie du XVIIe siècle. Amsterdam lui rend hommage à travers une exposition exceptionnelle, où figurent les deux tiers des bronzes de l’artiste virtuose, 25 dessins et gravures, ainsi que la fontaine du château de Frederiksborg, habituellement démantelée entre trois lieux différents.

AMSTERDAM - Est-ce parce que sa carrière l’a mené de La Haye, sa ville natale, à Florence, Milan, Turin, Augsbourg et enfin Prague, après un petit détour au Danemark et en Bohème, qu’Adriaen de Vries voit ses œuvres aujourd’hui dispersées dans le monde entier ? L’exposition présentée au Rijksmuseum, et organisée conjointement avec le Getty Museum de Los Angeles et le Nationalmuseum de Stockholm, n’en est que plus méritoire. Bien que le musée amstellodamois ne possède qu’une pièce de l’artiste – le relief de Bacchus et Ariane sur l’île de Naxos –, il est parvenu à rassembler une cinquantaine de bronzes, de sa main ou copiés d’après lui, et une bonne vingtaine de dessins et de gravures.

De sa formation auprès du sculpteur Giambologna, dans les années 1580, Adriaen de Vries conserve le goût maniériste pour les sujets mythologiques et parfois érotiques, la virtuosité des anatomies, la contorsion serpentine des postures et la prise en compte de points de vue multiples. Mais peu à peu, et notamment une fois installé à la cour de Rodolphe II à Prague, il aborde des compositions plus monumentales, souvent grandeur nature, et leur insuffle une nouvelle liberté de touche.

Entre maniera et baroque
Ses sculptures gardent l’aspect spontané et non lissé des modèles d’origine en argile et en cire, préfigurant des recherches bien postérieures. Il est d’ailleurs significatif que Rodin ait étudié pour ses Forgerons – exposés ici – la Forge de Vulcain d’Adriaen de Vries. Pour mieux comprendre la technique particulière de l’artiste, une section à part apporte des explications sur sa “méthode directe” du coulage du bronze, que l’on retrouve aussi bien dans ses petits reliefs que dans les grandes sculptures, comme le Saint Sébastien, qu’il exécute pour les personnages importants de l’entourage impérial.

Mais l’autonomie d’Adriaen de Vries par rapport à Giambologna s’affirme vraiment à partir du milieu des années 1610, après la mort de Rodolphe II et le déménagement de la cour à Vienne. Désormais, le naturalisme et une énergie pré-baroque prennent le pas sur les exercices virtuoses hérités du maître. On le perçoit nettement dans la Fontaine de Neptune réalisée pour le château de Frederiksborg, et encore mieux dans les représentations de chevaux, dont le Cheval cabré avec un serpent offre un bel exemple.

ADRIAEN DE VRIES, SCULPTEUR IMPÉRIAL, 1556-1626

Jusqu’au 14 mars, Rijksmuseum, Galerie d’honneur, Stadhouderkade 42, Amsterdam, tél. 31 20 673 21 21, tlj 10h-17h. Catalogue en anglais, 350 p., 470 ill. dont 70 coul., environ 225 F.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°75 du 22 janvier 1999, avec le titre suivant : Un talent impérial

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