Saint-Étienne

Un ruban qui ne passe pas de mode

Par Margot Boutges · Le Journal des Arts

Le 5 juillet 2016 - 573 mots

Le Musée d’art et d’industrie déroule l’histoire de ce petit accessoire de textile, du XVIIe au XXe siècle, dans un parcours qui pâtit cependant d’une médiation peu claire.

Les deux sections qui composent l’exposition « Le ruban, c’est la mode », conçue par le Musée d’art et d’industrie de Saint-Étienne, auraient pu faire l’objet de deux expositions distinctes. L’une, consacrée à la puissante industrie rubanière stéphanoise – du fonctionnement des fabriques de ruban aux grandes figures de la rubanerie – peut être perçue comme un prolongement du parcours permanent du musée qui conserve la mémoire des professionnels locaux de la rubanerie. L’autre partie, qui a davantage retenu notre attention, propose d’explorer une thématique de nature plus inédite en montrant comment le ruban a été utilisé dans la mode française entre le XVIIe et le XXe siècle.

Le ruban fait bien peu souvent l’objet d’une recherche approfondie dans les études d’histoire du vêtement, alors même qu’il est régulièrement utilisé comme ornement ou accessoire sur une toilette. Ainsi cette exposition constitue-t-elle une belle occasion de présenter les usages, évolutions, symboliques… de cette petite bande de matière textile.

Le parcours, non dénué de qualités, s’inscrit dans une scénographie sobre et élégante dans laquelle s’insère avec bonheur une belle sélection de pièces (vêtements, accessoires, tableaux…).

Avant le XIXe siècle, des adaptations modernes
Rares sont les vêtements et accessoires datant du XVIIIe siècle, et bien plus encore du XVIIe siècle, à avoir traversé les siècles. Aussi les atours du Grand Siècle et des Lumières sont-ils principalement illustrés ici par des interprétations modernes de pièces anciennes, tels un soulier à gros nœud enrubanné reprenant pour le théâtre les lignes du XVIIe siècle, un costume dégoulinant de falbalas réalisé pour une adaptation des Précieuses ridicules dans les années 1990, ou encore un extrait du film Marie-Antoinette (2006) de Sofia Coppola. On pourra regretter que les tableaux et gravures, témoignages directs de la mode de l’époque, soient aussi peu nombreux dans l’exposition.

Si les œuvres sont peu nombreuses à illustrer les XVIIe et XVIIIe siècles, l'exposition offre un beau panorama de vêtements et textiles des XIXe et XXe siècles, parmi lesquels cette robe de jour (1860) au corsage strié de rubans de velours ou ce corset de mariage (1900) composé d’entrelacements de rubans… émanant des fonds d’une collectionneuse privée (1). Malheureusement, le parcours chrono-thématique est desservi par une médiation écrite (panneaux et cartels) qui manque de clarté et de pédagogie. Le néophyte pourra se sentir perdu tant les textes qui jalonnent l’exposition sont remplis de termes techniques issus de la mode (passementerie, galons, passepoil, busc, apprêt, faveur, talon bobine, padous, soutaches, rubans façonnés ou rubans brochés…). Le vocabulaire aurait mérité d’être explicité par un lexique, par le biais de fiches de salles par exemple, ou par quelques dessins légendés. On y use en outre de tournures obscures, flirtant parfois avec le contresens : il est ainsi fait mention du concept d’« objet transitionnel » – objet utilisé par l’enfant pour représenter une présence rassurante (le fameux « doudou ») – pour décrire le ruban en tant qu’objet de convoitise pour l’amoureux épris d’une « belle personne ».

Enfin, les panneaux censés contextualiser les pièces exposées comportent souvent dans leur texte des termes et catégories d’objets qui ne sont du tout illustrés dans le parcours. Est-ce parce que ce dernier doit être légèrement modifié au cours de l’exposition (qui dure six mois), par nécessité pour la conservation des vêtements les plus fragiles qui ne doivent pas être exposés à la lumière trop longtemps ?

Note

(1) De même qu’une part importante des vêtements exposés.

Le ruban, c’est la mode

jusqu’au 2 janvier 2017, Musée d’art et d’industrie, 2, place Louis-Comte, 42000 Saint-Étienne, tél. 04 77 48 77 48, www.musee-art-industrie. saint-etienne.fr, tlj sauf mardi 10h-18 h, entrée 5,50 €. Catalogue, éditions SilvanaEditoriale, 300 p., 39 €.

Légende Photo :
Capote en paille cousue garnie de baies, de fleurs et de feuilles de chêne en velours, de broderie de paille, de dentelles et de rubans en soie façonnée, France, 1860, collection le Paon de Soie. Photo D.R.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°461 du 8 juillet 2016, avec le titre suivant : Un ruban qui ne passe pas de mode

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