LES-LUCS-SUR-BOULOGNE - Il existe, au tournant du XXe siècle, un nombre incalculable de petits maîtres plus ou moins perméables aux grands mouvements artistiques et qui sont à découvrir ou redécouvrir. Charles Milcendeau (1872-1919) est de ceux-là.
Resté en marge de l’impressionnisme et du symbolisme, totalement fermé à l’art moderne, c’est un naturaliste tardif très attaché à représenter sa Vendée natale. Ou plus précisément les habitants du marais breton. Les paysages l’intéressent peu, moins en tout cas que les paysans dont il fait le portrait ou qu’il dépeint dans des scènes d’intérieur. Ces paysans, il les connaît bien pour les avoir souvent observés dans l’auberge rurale que tenait son père à Soullans. Paradoxalement, s’il éprouve une sympathie évidente pour les habitants de sa région, il porte toujours sur eux un regard grave et sombre. Ses toiles et dessins sont loin d’être optimistes et laissent transparaître une personnalité complexe et tourmentée. Pourtant Milcendeau n’est pas un peintre régionaliste, étranger à la vie moderne. Lui-même ne voulait pas être ainsi étiqueté. Il a très longtemps vécu à Paris, qu’il a rejoint à l’âge de 19 ans pour présenter le concours des Beaux-Arts. Il échoue, mais reste dans l’atelier de Gustave Moreau, où il côtoie Rouault et Matisse. Il connaît quelques petits succès parisiens, exposant régulièrement au Salon, bénéficiant d’achats de l’État et de quelques collectionneurs, suscitant plusieurs éloges publiés dans la presse. Car à côté de sa production naturaliste, il réalise de nombreux portraits. C’est aussi un grand voyageur. Il s’est rendu à plusieurs reprises en Belgique et en Hollande, pour mieux apprécier Rembrandt, et en Espagne pour regarder Murillo. En somme, le parcours classique des réalistes.
« Beaux morceaux »
De l’atelier de Gustave Moreau, il a appris et gardé un solide savoir-faire de dessinateur. Il a indiscutablement du métier, bien que sa pratique reste encore très scolaire. Quelques portraits peints sont de « beaux morceaux » comme aiment à le dire les critiques au XIXe, mais l’œil d’aujourd’hui apprécie surtout ses pastels, lorsque la forme s’estompe et que les matières prennent du relief. Il était donc naturel que ce soit l’Historial de la Vendée, dirigé par Christophe Vital, qui consacre à ce peintre sa première véritable rétrospective d’envergure. Un lieu non académique, perdu en pleine campagne, qui mêle avec succès histoire, beaux-arts et scénographie grand public. Une formule inédite dans le paysage muséal français. L’exposition s’y déploie confortablement, un peu handicapée par un éclairage tamisé qui n’aide pas à rendre Milcendeau plus rieur. Le Bois-Durand, la maison où le peintre se retira avec sa femme pendant les dernières années de sa vie accueille un petit musée, dédié à son ancien propriétaire.
Jusqu’au 8 juillet, Historial de la Vendée, 85170 Les Lucs-sur-Boulogne, tél. 02 51 47 61 61, www.histo rial.vendée.fr, tlj 10h-19h (hors été fermé le lundi). Catalogue, coéd. Silvana Editorial/Conseil général de Vendée, 303 p., 35 euros, EAN 9 -782909-284026.
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Un naturaliste tardif
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Abonnez-vous dès 1 €- Commissariat général : Christophe Vital, conservateur en chef du patrimoine, et Marie-Élisabeth Loiseau, assistante de conservation
- Nombre d’œuvres :
environ 150.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°371 du 8 juin 2012, avec le titre suivant : Un naturaliste tardif