Dans la grande salle du rez-de-chaussée du Musée d’art contemporain de Bâle qui s’étend en contrebas du hall d’entrée, Carsten Höller a placé des objets étonnants sur la grille de départ d’une étrange course. Le « nouveau monde » n’est certainement pas bien loin.
BÂLE - Une toupie équipée d’un siège et d’une machine à café, un grand sifflet rouge, une hutte recouverte de parois absorbantes pour chambre acoustique et montée sur skis, une culotte en cuir portée dans les airs par des mouettes naturalisées, tels sont quelques-uns de ces concurrents prêts à s’élancer vers le “nouveau monde”, titre de l’exposition. L’artiste, né à Bruxelles en 1961, ne nous réserve pas ici sa première surprise. On se souvient, par exemple, de la porcherie qu’il avait aménagée avec Rosemarie Trockel lors la dernière Documenta de Cassel, ou de La pensée des animaux, une performance organisée en 1994 à La Couronne, sur l’invitation du Frac Poitou-Charentes. Il y mettait chaque fois en scène un dispositif visant à expérimenter les comportements humains. Carsten Höller a en effet un profil assez particulier. Entomologiste de formation, il a étudié de 1985 à 1992 la communication olfactive des insectes et l’écologie de l’évolution à l’Institut de phytopathologie de Kiel, en Allemagne. Il s’intéresse notamment aux théories de l’évolution, s’appuyant sur une analyse des comportements humains – notamment des sentiments – pour mettre en évidence leurs caractères génétiques.
À Bâle, la deuxième partie de l’exposition propose différentes vidéos. The Loverfinch documente l’apprentissage par quelques oiseaux d’un air de musique qui leur a été régulièrement donné à écouter en 1995. Le Punktfilm simule de façon ironique des danses traditionnelles, simplement évoquées par le déplacement de quelques points sur un fond noir. Enfin, Höller a réalisé à Bâle un nouveau film, Hofmann, qui montre les tribulations d’un personnage étonnant dans la ville. Le catalogue, conçu par l’artiste, inclut même deux bons pour une traversée du Rhin sur le bac “Wide-Ma”, également emprunté par le héros dans la vidéo. La dernière section réunit un ensemble de jeux comme Das unschiefe Lächeln (le sourire non déformé), qui comprend les photographies d’une douzaine de visages plus ou moins souriants. Il est cependant nécessaire de bien maîtriser la langue de Goethe pour pouvoir comprendre les subtiles règles des différents jeux présentés, le musée n’ayant certainement pas jugé nécessaire de traduire les modes d’emploi, ne serait-ce qu’en anglais.
Au terme de l’exposition, le “nouveau monde” apparaît finalement comme un objectif secondaire, à l’exemple de ces voyages que nous entreprenons non pas pour nous rendre quelque part, mais simplement pour eux-mêmes. De la ligne de départ au jeu, en passant par un pas de danse, l’ensemble des travaux semble être porté par l’énergie du mouvement, de la circulation physique, biologique, intellectuelle, ou même... de l’ironie.
Jusqu’au 7 février, Museum für Gegenwartskunst, St. Alban-Reinweg 60, Bâle, tél. 41 61 272 81 83, tlj sauf lundi, 11h-17h.
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Un monde nouveau
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°75 du 22 janvier 1999, avec le titre suivant : Un monde nouveau