Le château de Compiègne propose une exposition stimulante sur les relations entre les deux pays.
COMPIÈGNE - En attendant de pouvoir rénover son Musée du Second Empire, le château de Compiègne (Oise) célèbre le bicentenaire de la naissance de Napoléon III avec une exposition tissant d’habiles liens entre histoire et arts. Le sujet est celui des échanges franco-britanniques, à travers un moment-clef, l’Exposition universelle de 1855, organisée à Paris en réaction au précédent londonien de 1851. Sur le terrain politique, les relations sont apaisées. Entamée avec Louis-Philippe, la réconciliation se confirme avec Napoléon III, anglophile de cœur depuis son exil et sa liaison avec la très riche Miss Howard. Militairement, la guerre de Crimée (1854-1856), illustrée dans l’exposition par les premières photographies de guerre, réunit les armées des deux pays contre les Russes.
En avril 1855, Napoléon III et Eugénie font un séjour officiel en Angleterre, où l’Empereur reçoit l’ordre de la jarretière, dont la parure a été ici exceptionnellement sortie des réserves. La reine Victoria, dont le grand portrait peint par Winterhalter a été commandé par Louis-Philippe (1842, château de Versailles), se rend à son tour en France, en août, première visite d’un souverain britannique depuis la Renaissance. Les profils du couple impérial à la mine de plomb croqués par Victoria (château de Windsor) témoignent de l’amitié ambiante. Les séjours de la reine au château de Saint-Cloud et dans les lieux phares de la capitale ont été immortalisés par des « aquarellistes reporters » ou des peintres français et britanniques. Ainsi de sa visite, ô combien symbolique, sur le tombeau de Napoléon Ier, l’ennemi juré de l’Angleterre.
La reine ne manque pas non plus de visiter l’Exposition universelle, où la concurrence franco-anglaise bat son plein. Alors que les Anglais excellent dans les innovations techniques, le pavillon de l’Industrie veut démontrer la persistance de la prééminence du goût français, dominé par l’historicisme. Il réunit une sélection de pièces produites dans les domaines de l’orfèvrerie, de la céramique, du papier peint panoramique – avec un étonnant Zuber, La Mer glaciale (Musée des arts décoratifs, Paris) – ou du mobilier, telle la Toilette serre-bijoux de style Louis XIV et l’étonnant Bonheur-du-jour produit par Giroux, acquis tous les deux pour Eugénie et toujours conservés à Compiègne. De nombreux objets, telles les pièces de Sèvres en décor pâte-sur-pâte rapidement imitées à la manufacture de Minton (Angleterre), sont achetés par les Anglais pour servir à l’enseignement des artistes, assuré par l’ancêtre du Victoria and Albert Museum à South Kensington.
La nouveauté provient de l’ouverture d’un Palais des beaux-arts, transformé en lieu de confrontation directe entre vingt-huit pays, au premier rang desquels l’Angleterre, qui présente plus du tiers des œuvres étrangères. Si, pour des questions de coût, toutes les peintures de 1855 n’ont pu être réunies à Compiègne, une rigoureuse sélection a été judicieusement accrochée dans la salle des Colonnes, reconstituant un éloquent face-à-face. Outre la présentation inévitable des gloires vieillissantes françaises que sont alors Ingres et Delacroix, rappellant le déclin de la peinture d’Histoire, l’exposition révèle le talent d’un Decamps ou d’un Meissonnier, dont la très enlevée Rixe (1855, Londres, collection royale) est offerte par Napoléon III à l’époux de Victoria, le prince Albert. L’art anglais, jusque-là connu pour ses aquarellistes (Cox, Cotman, Wyld…) fait aussi sensation. « Au public las des mets réchauffés, voire indigestes, de l’école française, la peinture anglaise apporte un piment salvateur, qui réveille son appétit », écrit Laure Chabanne, commissaire de l’exposition, dans le catalogue. Ainsi de Mulready, dont la toile revendique une filiation manifeste avec Hogarth, Le Choix de la robe de noce (1845, V&A, Londres), illustration savoureuse de « l’humour anglais », selon Emmanuel Starcky, le directeur du château-musée. Le portrait s’y porte également toujours bien depuis le XVIIIe, à l’exemple de James Sant et son émouvant Portrait de Samuel enfant (Bury Art Gallery). Les quelques préraphaélites choisis – hélas mal représentés à Compiègne – auraient en revanche déconcerté la critique française de l’époque. Était-elle encline à ne se laisser surprendre que par une avant-garde venue d’outre-Manche ?
Jusqu’au 19 janvier 2009, tlj sauf mardi 10h-18h, Musées et domaines nationaux du château de Compiègne, 60200 Compiègne, tél. 03.44.58.47.00, www.musee-chateau-compiegne.fr. Cat., éd. RMN, 272 p., 49 euros, ISBN 978-2-7118-5507-0
Commissariat : Emmanuel Starcky, conservateur général, directeur des châteaux de Compiègne et de Blérancourt ; Laure Chabanne, conservatrice
Nombre d’œuvres : 283
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Un match France-Angleterre
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Abonnez-vous dès 1 €Pour sa première publication consacrée à un château-musée, la Fondation BNP Paribas, qui édite depuis 1985 des albums dédiés aux musées en régions, a choisi Compiègne. Une suite logique après le soutien à la restauration, en 2006, de cinq portraits de la famille d’Orléans. Mais les besoins financiers du château, longtemps oublié des pouvoirs publics, sont encore colossaux. Une souscription publique, en partenariat avec la Fondation du patrimoine, vient d’être lancée pour financer les 230 000 euros nécessaires pour la restauration du Lit de l’impératrice Eugénie, créé en 1867 pour l’Élysée, et dont les garnitures sont très altérées.
Le Palais impérial, Compiègne, éd. Musées et monuments de France, 2008, 128 p., 23 euros, ISBN 978-2-7118-5483-7.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°293 du 12 décembre 2008, avec le titre suivant : Un match France-Angleterre