Globe-trotter de l’Orient à l’Occident, Cai Guo-Qiang pose pour la première fois ses valises dans un musée français. Outre un intéressant essai de rétrospective conçu par l’artiste chinois, son exposition à Lyon présente un hommage à l’art français pour le moins déconcertant.
LYON - De feux d’artifice en installation, la figure du dragon est récurrente chez Cai Guo-Qiang. À Lyon, elle est un fil conducteur qui emprunte la forme d’une rivière artificielle en bambou et résine époxy pour sillonner de part en part l’un des vastes plateaux du Musée d’art contemporain où sont suspendues une douzaine d’œuvres datées de ces dix dernières années. Invité à rentrer dans un petit embarcadère traditionnel en peau animale, le visiteur peut naviguer précairement sur ce flot paisible qui vient puiser aux sources mêlées de l’Orient et de l’Occident, géographies arpentées physiquement par Cai Guo-Qiang depuis son départ de la Chine pour le Japon, puis pour les États-Unis où il réside actuellement. Pour passer d’une rive à l’autre, le départ s’effectue à proximité de Mao (1997), autel naïf consacré au Grand Timonier. Ensuite, la barque croise au large Armes-contradiction, un écusson de plomb menacé par une lance. La structure, conçue comme une métaphore d’Hiroshima (l’agresseur agressé), rejoint en aval l’aspect belliqueux mais salvateur du Dragon est arrivé (1997), tour-fusée aux réacteurs de ventilateurs qui actionnent des drapeaux chinois flottants. Par trop évidente, la métaphore du cours de l’histoire est pour l’artiste l’occasion de réactiver des travaux originellement dictés par le contexte de leur production, “de faire de ses perles un nouveau collier”, selon ses propres termes. Ce refus de la mortification muséale trouve un certain à-propos à l’occasion de la première exposition de Cai Guo-Qiang dans un musée français. Certes, la critique est largement rabâchée par une somme théorique et artistique qui vise à la déconstruction de l’institution depuis la fin des années 1960. Mais comme dans nombre de ses œuvres, Cai Guo-Qiang réussit l’expérience, aidée par la distance induite par son statut “d’étranger”. Candide et ironique, ce rôle devient parfois déconcertant.
Ainsi, dans la seconde partie de l’exposition, notre éternel invité nous livre sa vision du bon goût français : rassemblé dans un faux plafond baroque, Yves Klein fait l’ange dans les coins, le Nu descendant l’escalier de Marcel Duchamp sert de mandorle, et les pouces de César font offices de magnifiques dorures, le tout évidemment enveloppé dans les rayures de Buren... Cette constellation kitsch est déjà jubilatoire, mais l’expérience du sublime ne s’arrête pas là. Ce n’est qu’à bord d’un wagon de montagnes russes motorisé au son d’une symphonie emphatique que le spectateur, propulsé vers le ciel, comprendra dans toute son épaisseur le terme de “République des arts et des lettres”. Admiration aveugle, ou moquerie irrévérencieuse : même si la tête tourne un peu en descendant du grand 8, le choix n’est pas très difficile.
- CAI GUO-QIANG, UNE HISTOIRE ARBITRAIRE, jusqu’au 6 janvier 2002, Musée d’art contemporain de Lyon, 81 cité internationale, quai Charles-de-Gaulle, 69006 Lyon, tlj sauf mardi, 9h-13h et 14h-18h, 12h-19h les mercredis et dimanches, tél. 04 72 69 17 18, catalogue à paraître, www.moca-lyon.org.
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Un invité éternel
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°137 du 23 novembre 2001, avec le titre suivant : Un invité éternel