La plongée dans les archives de Marcel Mariën, décédé en septembre dernier, a confirmé que la personnalité de l’homme faisait l’œuvre au-delà de ses manifestations isolées.
LA LOUVIÈRE - Une telle personnalité ne se laisse pas facilement emprisonner dans les hommages posthumes que la muséologie moderne excelle à mettre en scène. Aussi saluera-t-on pour cette exposition "Marcel Mariën 1920-1993, le lendemain de la mort", l’originalité d’une présentation éclatée en trois lieux qui répond à la diversité des modes d’expression. Le travail de "mise en œuvre", présenté au Musée Lanchelevici, constitue le cœur de la présentation et permet de saisir le sens même de la démarche critique de Mariën. "La citation esthétique" – à la Galerie tendances contemporaines – et "Le sentiment photographique" – à la salle des périodiques de la Bibliothèque centrale – offrent des éclairages partiels, mais riches de signification.
Dépasser les genres
L’ensemble trouve son unité fondamentale dans un recueil bref, mais dense qui livre l’essentiel des archives Mariën. Le livre dévoile les facettes du personnage Mariën sans en épuiser le charme trouble. Il offre surtout la première trame chronologique d’une existence chaotique quoique centrale dans l’histoire du surréalisme belge, dont l’histoire reste à écrire.
Après une jeunesse tâtonnante, Mariën, âgé d’une vingtaine d’années, s’illustre sous l’Occupation comme éditeur de poètes surréalistes, au nombre desquels on compte Éluard. Il fonde des revues aussi essentielles qu’éphémères, puis lance, en 1954, Les Lèvres nues, qui paraîtront sans interruption jusqu’en 1975. Il produit et réalise quelques films dont l’audace choque le bon goût conventionnel, comme L’imitation du cinéma en 1959, projeté en permanence durant la rétrospective.
Ami de Magritte, Mariën ne s’abandonne pas à la peinture. Sa recherche tend inlassablement à dépasser les genres, pour explorer dans le collage et l’assemblage la possibilité de laisser dériver les objets loin de leurs fonctions initiales, en des rencontres étonnantes inspirées du poète Paul Nougé. Ce dernier conduit Mariën à explorer la nécessité subversive de l’image qui doit atteindre à l’efficacité poétique caressée dans Les images défendues. En 1937, Mariën brise sa paire de lunettes, symbole de l’illusoire objectivité du regard, et recompose cette réalité défaite autour d’un seul verre.
Mariën s’approprie aussi la tradition moderne, pour en réévaluer les acquis. Ainsi, le Tu m’ de Duchamp (1968), réapparaît-il deux ans plus tard dans l’œuvre de Mariën rebaptisé L’Éthique. Démarche qui, loin de se plier au dogme post-moderne, apparaît comme sa mise en cause ludique.
Sans doute faut-il resituer ici le rôle essentiel de Mariën comme historien du surréalisme belge. Entre 1968 et 1977, l’artiste se fait mémoire du mouvement auquel il a largement contribué. Que ce soit avec les 135 numéros de la revue Le Fait accompli, avec l’édition des Manifestes et autres écrits de Magritte ou, surtout, avec L’Activité surréaliste en Belgique (1979), il poursuit une activité littéraire enrichie de recueils poétiques et de textes critiques consacrés, entre autres, à la photographie.
L’exposition, "Marcel Mariën 1920-1993, le lendemain de la mort", se tient en trois lieux de La Louvière : le Musée Ianchelevici, la Galerie tendances contemporaines, la Bibliothèque centrale, jusqu’au 14 août. Tous les jours, de 14 à 18 heures sauf les lundi et jours fériés. Pour tous renseignements, tél. : 064 22 51 70.
Sous la direction de X. Canonne, Marcel Mariën 1920-1993, le lendemain de la mort, édité par Snoeck-Ducaju et le Crédit communal de Belgique, 24,5 x 29,7 cm, 128 pages illustrées, 1 250 FB.
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Un hommage original à Marcel Mariën récemment disparu
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°5 du 1 juillet 1994, avec le titre suivant : Un hommage original à Marcel Mariën récemment disparu