La première nuit que Robert Therrien, originaire de Chicago, a passée à Los Angeles, voilà plus de trente ans, il a dormi sur les pelouses d’un parc près du County Museum. L’artiste y revient aujourd’hui, mais pour exposer au LACMA des œuvres monumentales.
LOS ANGELES (de notre correspondant) - Vingt-deux pièces de Robert Therrien sont réunies, essentiellement des sculptures monumentales. L’une de ses œuvres les plus connues est Under The Table, une table et un ensemble de chaises de 3 x 5,5 x 8 m que le musée a délibérément installés dans une pièce tout juste assez grande pour les contenir. Les autres installations de grandes dimensions comprennent une pile de vingt bols et soucoupes qui, même s’ils sont fixes, semblent tourner comme une toupie ; une porte à double vantail de près de quatre mètres de haut ; un trio de fausses barbes hautes de cinq mètres, inspirées de celle qu’arborait Constantin Brancusi ; ou encore, une spirale de ressorts de lit de près de douze mètres de long, une œuvre qui devrait être particulièrement utile à Therrien s’il devait passer une autre nuit dans ce quartier !
Pour la conservatrice du LACMA, Lynn Zelevansky, qui a monté l’exposition, “l’œuvre de Bob est très émouvante parce qu’elle semble toucher des choses qui sont très ancrées dans notre culture. Il se sert des formes les plus prosaïques d’images établies et travaille avec. Les résultats sont vraiment très subtils”. “Je pense que son travail est incroyablement raffiné et sophistiqué, poursuit-elle. Son œuvre est accessible, mais elle comporte aussi des niveaux de subtilité visuelle que vous ne rencontrez pas souvent”.
À l’avenir, des petites choses ?
Joanne Heyler, conservatrice de la Broad Art Foundation, est tout aussi enthousiaste. Son institution possède dix-sept œuvres de l’artiste, dont Under The Table. “D’une certaine manière, les œuvres de Therrien sont comme de la poésie,” soutient-elle. L’artiste a en effet collaboré à différents projets avec les écrivains Robert Creeley et John Yau. “Les gens disent de son œuvre qu’elle a un don de narration. L’art semble les inciter à raconter l’histoire de leurs souvenirs et de leur passé. Il ne s’agit pas simplement du choc et des impressions ressentis à la vue d’un objet démesuré.”
Therrien lui-même en convient : “Au fond, l’idée est que la sculpture est enfermée en elle-même. Ce n’est pas une sculpture où il faut se reculer pour la regarder comme un objet”.
En 1991, Therrien photographiait des détails de sa table lorsqu’il a commencé à passer à de plus grandes dimensions. Auparavant, il avait été remarqué pour des œuvres en deux dimensions et des petites pièces en trois. En 1984, le LACMA lui avait déjà consacré une monographie, avant le Centre d’art Reina Sofía à Madrid, en 1991. Depuis, il a bénéficié de cinq expositions personnelles à la galerie Leo Castelli qui le représente à New York. Ses œuvres ont été présentées dans de nombreux musées américains et européens, et lors de plusieurs biennales. Pourtant, comme le souligne Lynn Zelevansky, l’art de Therrien reste “méconnu” et “beaucoup de professionnels du monde de l’art ne savent pas qui il est”.
L’exposition de Los Angeles aidera peut-être à le faire mieux connaître. En attendant, quels sont les projets de l’artiste, dont les œuvres monumentales sont les plus imposantes jamais présentées à l’intérieur du LACMA pour une monographie ? Plus rien à grande échelle, affirme Therrien en riant : “Je meurs d’envie de faire simplement du dessin et de la photographie, des petites choses”.
- Robert Therrien, jusqu’au 7 mai, Los Angeles County Museum of Art (LACMA), 5905 Wilshire Boulevard, Los Angeles, tlj sauf mercredi 12h-20h, jeudi 12h-21h, samedi et dimanche 11h-21h, tél. 1 323 857 6000, www.lacma.org.
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°101 du 17 mars 2000, avec le titre suivant : Un don de narration