Sensible à son interprétation aristocratique du Caravagisme, Charles Ier avait attiré Orazio Gentileschi (1563-1639) à sa cour. Dans l’exposition consacrée au peintre italien, la National Gallery met l’accent sur les dernières années de sa vie, passées en Angleterre.
LONDRES. Si la renommée d’Artemisia Gentileschi dépasse aujourd’hui celle de son père Orazio, celui-ci n’en demeure pas moins un meilleur peintre, comme l’exposition de la National Gallery en administre la preuve éclatante. Souvent présenté comme un émule du Caravage, qu’il a personnellement côtoyé, Orazio Gentileschi a pourtant été moins sensible aux leçons du Lombard que sa fille. D’une génération antérieure, il avait débuté sa carrière en Toscane sous les auspices du Maniérisme tardif, et tout son art devait en conserver aussi bien l’élégance et la distance aristocratique que les lumières froides et les coloris sophistiqués. Là où le Caravage travaille dans une gamme de bruns et de rouges, Orazio préfère s’attarder sur la brillance des étoffes ou la somptuosité des matières, et se garde bien d’un réalisme trop poussé. Une clientèle de cour s’est naturellement reconnue dans cette veine “aristocratique” du Caravagisme ; aussi Gentileschi est-il allé cueillir les fruits de sa gloire auprès des souverains étrangers. Après un bref séjour à Paris, en 1624-1625, où il doit affronter la rude concurrence de Rubens et de Baglione, il traverse la Manche pour rejoindre la cour de Charles Ier. Il passera les quatorze dernières années de sa vie à Londres, où le roi lui confie nombre de commandes. C’est ce long séjour sur les bords de la Tamise que la National Gallery de Londres, avant le Musée des beaux-arts de Bilbao et le Prado, met en avant dans cette première exposition consacrée à l’artiste. Si de grands décors peints pour le souverain et le duc de Buckingham ont plus ou moins disparu, demeurent les tableaux de chevalet dominés par les sujets bibliques, comme Joseph et la femme de Putiphar : dans ce chef-d’œuvre, la lumière, en conférant une présence quasi physique aux tentures et aux draps, crée un climat d’étrangeté, caractéristique de sa manière. La reine Henriette Marie, fervente catholique, appréciait tout particulièrement les œuvres de Gentileschi, qui ornaient la Queen’s House à Greenwich où elle résidait. Ces toiles, dispersées après l’exécution du roi en 1649, sont à nouveau réunies sur les cimaises de la National Gallery. Quant aux deux versions de Moïse sauvé des eaux, ultimes sommets de son art, peints respectivement pour le roi d’Espagne Philippe IV et pour Charles Ier, elles sont présentées ensemble pour la première fois.
Jusqu’au 23 mai, National Gallery, Trafalgar Square, Londres, tél. 44 171 839 3321, tlj sauf 10 avril 10h-18h, mercredi 10h-22h ; puis Bilbao, 7 juin-5 septembre, et Madrid, 20 septembre-20 novembre. Catalogue anglais-espagnol.
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Un caravagesque de cour
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°79 du 19 mars 1999, avec le titre suivant : Un caravagesque de cour