BRUXELLES / BELGIQUE
Le 3 août 1914, la Belgique est, en dépit de sa neutralité, envahie par l’Allemagne, qui espère ainsi fondre par surprise, par le nord, sur l’armée française.
L’État du roi Albert restera ainsi occupé jusqu’à l’armistice du 11 novembre 1918 et le discours, le 22 novembre, du roi en uniforme de général. Célébrer le centenaire de la fin de la guerre en consacrant, à Bruxelles, une exposition sur Berlin semblera donc incongrue à certains, tout comme la chronologie qui encadre cette exposition : 1912-1932. Faut-il y voir un prétexte pour s’inscrire dans le cadre des événements du centenaire de 14-18 ? Sans aucun doute. Pourtant, il faut reconnaître avec Inga Rossi-Schrimpf, commissaire de l’exposition, que « l’art belge cultive surtout une forme régionale de néo-impressionnisme, le luminisme, et qu’il accuse à la veille de la Première Guerre mondiale un retard vis-à-vis de l’avant-garde internationale ». Et de citer, dans le catalogue, André de Ridder : « Il faut bien l’avouer : au moment où éclatait la guerre de 1914, nous n’étions, en Belgique, ni fort “européens”, ni fort “modernes”. » Voilà donc pourquoi cette présentation ne se veut pas un énième accrochage des avant-gardes berlinoises dans les années 1920, mais la perception belge de l’époque sur la scène artistique allemande. À ce titre, la salle consacrée aux artistes belges présents à Berlin après-guerre, pour la plupart exposés par la Galerie Walden, est l’une des plus pertinentes du parcours. Y sont notamment rassemblées des œuvres de Pierre-Louis Flouquet, Jozef Peeters, Victor Servranckx et Frans Masereel. Le reste du parcours se révèle plus déconcertant. En dépit de la qualité des œuvres présentées et des prêts obtenus, un propos clair peine à émerger dans la diversité des thèmes abordés : l’émancipation des femmes, la crise de 1929, la nouvelle architecture, etc. Qui trop embrasse, mal étreint, dit le proverbe. C’est dommage, car il y a de belles idées dans cette exposition, comme celle qui rapproche le Nu couché de Max Beckmann (1929), artiste qui sera dit « dégénéré », d’une Étude de nu d’Arno Breker (1927), futur sculpteur officiel du Troisième Reich. Dans l’Entre-deux-guerres, « les choses n’étaient en effet pas si simples », explique Inga Rossi-Schrimpf. Elle a raison. Et c’est exactement pour cela qu’elles auraient mérité d’être présentées, ici, plus simplement.
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°719 du 1 janvier 2019, avec le titre suivant : Un Berlin bien mal étreint