« Nous », tel est le mot qui accueille le visiteur de l’exposition de Sylvie Ungauer à l’École supérieure des beaux-arts de Tours. Tracées en rouge ton sur ton, ces lettres nous invitent à pénétrer dans l’univers connecté, sensible et féminin de cette artiste de 35 ans qui vit et travaille à Orléans.
TOURS - Sylvie Ungauer est une femme de son temps, de cette époque où les réseaux ne cessent de tisser leur toile, où tout et tout le monde devient relié, connecté. Dans l’étude de ces déploiements, l’artiste ne cesse de faire référence aux structures organiques qui lui servent de modèle d’analyse pour ces multiples extensions, pour ces proliférations en apparence anarchiques. Ainsi, son travail intègre parfois la structure de l’ADN, ces chaînes qui s’enroulent sous la forme d’une hélice. Une de ses œuvres exposées actuellement à l’Arteppes, à Annecy, comprend par exemple un ensemble de cloches venant s’enrouler le long d’une telle spirale. Dans cette pièce, Reseau-nance, créée durant sa résidence dans la ville, elle a installé 350 cloches bleues d’Annecy que les habitants peuvent s’approprier en communiquant les noms de nouveaux maillons à cette chaîne musicale.
D’autres œuvres des expositions annécienne et tourangelle se réfèrent à ce maillage, à ces liens permettant à l’information de circuler, et facilitant les échanges. À Tours, Sylvie Ungauer présente Global village, qui fait référence au “village” planétaire en train de se mettre en place grâce à l’Internet. Ici, de petites maisons en fibre de verre sont reliées les unes aux autres par un réseau de fibres optiques apportant de la lumière dans chaque foyer. Plus loin, Home est composée de bandes vidéos tricotées. L’artiste décline ainsi des techniques parfois déplacées – voire Deplaziert, pour reprendre le titre de son exposition de Strasbourg en 1995 – qui évoquent des savoir-faire à connotation féminine. Sylvie Ungauer n’est d’ailleurs pas insensible au combat des femmes pour leur indépendance. L’une de ses installations tourangelles, Mourir d’ennui, comporte ainsi une vidéo réalisée par Carole Roussopoulos et Delphine Seyrig en août 1976. Dans ce film, l’une des femmes dicte à l’autre le S.C.U.M. Manifesto (1967) de Valérie Solanas, violent texte militant contre les hommes. Ungauer en revendique d’ailleurs la filiation, même si elle admet que beaucoup de choses ont évolué positivement pour les femmes depuis les années soixante-dix. Ailleurs, un diptyque met une fois de plus en exergue une féminité agressée. Dans Attaque, des faux ongles calcinés répondent à une figure inspirée par l’explosion d’une cellule sous l’action d’un virus. Ces traces blanches, qui pourraient être le symbole d’une renaissance, annoncent en réalité une disparition : Éros et Thanatos. Ici encore, l’ADN joue un rôle nodal.
- SYLVIE UNGAUER, jusqu’au 19 février, École supérieure des beaux-arts de Tours, jardin François 1er, Tours, tél. 02 47 05 72 88, tlj sauf dimanche 14h-20h - TRAJETS, jusqu’au 26 février, l’Arteppes, Espace d’art contemporain, place des Rhododendrons, Annecy, tél. 04 50 57 56 55, tlj sauf dim. 9h-12h et 14h-19h, sam. 14h-17h
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Un art branché
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°76 du 5 février 1999, avec le titre suivant : Un art branché