Depuis la disparition de Chen Zhen en décembre 2000 des suites d’une maladie rare et incurable, son travail continue d’occuper le devant de la scène. Une rétrospective de ses œuvres les plus récentes est aujourd’hui organisée au centre d’art contemporain P.S. 1, à New York, après celle, plus modeste, présentée l’automne dernier à l’Institut d’art contemporain de Boston.
NEW YORK - L’exposition de l’Institut d’art contemporain de Boston, organisée à titre posthume et en forme d’hommage, a été la première monographie aux États-Unis pour cet artiste qui a connu depuis le milieu des années 1990 une reconnaissance croissante. Le parcours de Chen Zhen, qui l’a mené de Shanghai, où il est né en 1955, à Paris, où il a vécu dès 1986, d’abord pour suivre les cours de l’École nationale supérieure des beaux-arts, a été marqué en 1999 par une participation très remarquée à la Biennale de Venise.
La rétrospective qu’accueille aujourd’hui le P.S. 1 à New York réunit une vingtaine de pièces et ne montre que des œuvres produites pendant les trois dernières années de la vie de l’artiste, la plupart datant de l’année de sa mort. Certaines, rarement exposées jusqu’à aujourd’hui, décrivent une recherche plus intérieure et plus sombre que dans son travail antérieur. Le jardin zen qu’il projetait de réaliser à la fin de sa vie, et dont est ici présentée une maquette, est la manifestation la plus évidente de préoccupations liées à sa maladie ; il est encombré de sculptures monumentales tels des organes transpercés d’instruments médicaux. N’était-ce ce jardin et d’autres pièces peu connues, comme Paysage en cristal du corps intérieur, une installation composée d’organes en verre, le travail de Chen Zhen recourt généralement à l’emploi de matériaux de récupération : des chaises souvent, mais aussi des cadres de lits, des pots de chambre, des tonneaux, des vêtements, des bouliers, des bougies… Assemblés, ils forment des architectures fantastiques, des objets énigmatiques et hybrides dont l’évidente force plastique est toujours contrariée par l’impossibilité de les appréhender totalement. Chacune de ces sculptures et installations est accompagnée de dessins. À la fois esquisses, schémas de construction et carnets de notes, mêlant parfois l’anglais, le français et le chinois, ceux-ci documentent utilement une recherche complexe puisant son langage dans des cultures antagonistes. Car Chen Zhen a posé tôt la question de l’identité de l’individu et de la coexistence de différentes cultures dans le contexte de la mondialisation. Bien qu’ayant passé les quatorze dernières années de sa vie à Paris, il visitait souvent son pays d’origine et participait d’une génération d’artistes chinois soucieuse de rompre radicalement avec les dogmatismes officiels comme de dialoguer avec le reste du monde. Il épousait l’idée d’une “transculturalité” qui ne se satisferait d’aucune géographie existante. Aussi, son vocabulaire artistique, élaboré dans le monde occidental avec des codes qui lui sont étrangers, s’est-il construit par la superposition ou la confrontation d’opposés : le matériel et le spirituel, l’intérieur et l’extérieur, l’individu et la communauté...
Jue Chang, la pièce que Chen Zhen a présentée à la Biennale de Venise 1999, occupe une place centrale dans le parcours de l’exposition. Cette structure de chaises et de cadres de lits tendus de peaux forme un instrument à percussion monumental avec lequel le spectateur est appelé à jouer. L’objet de l’œuvre est autant dans l’utilisation que l’on peut en faire et dans les relations humaines qu’elle génère que dans sa forme. C’est un aspect important du travail de Chen Zhen que d’être toujours, par les œuvres qu’il produisait, à la recherche d’un partage, d’une expérience nouvelle, de toute chose capable d’enrichir sa connaissance et, par voie de conséquence, la nôtre. Après avoir appris l’anglais et le français, Chen Zhen envisageait à quarante ans d’étudier l’espagnol. “L’apprentissage de nouveaux langages, disait-il en 1996, est pour moi une composante essentielle de la vie.”
Jusqu’en mai, P.S. 1, 22-25 Jackson Avenue, Long Island City, New York, tél. 1 718 784 2084, tlj sauf mardi et mercredi 12h-18h.
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Transculturalité
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°167 du 21 mars 2003, avec le titre suivant : Transculturalité