Il pourrait s’agir d’une carotte de glace qui aurait conservé un morceau d’une ville en ruine.
Prélevée de calottes glaciaires, elle aurait livré un bout de notre histoire passée, à moins qu’elle ne soit un prototype virtuel de ce qui attend une ville après une guerre ou un tremblement de terre. Les images de ruines devenues volumes de Thibaut Brunet créent le trouble, bousculent et renouvellent aussi les représentations habituelles des cités disparues ou ravagées. À partir d’images collectées sur Internet de quartiers détruits par la guerre, notamment à Damas et Alep, ses reconfigurations forment en 3D une autre image fascinante par sa matérialité mais aussi sa spatialité et son atemporalité qui ne sont pas sans renvoyer à l’esthétique du jeu vidéo. Pour son exposition à La Capsule, où il a développé en résidence ce travail, Thibault Brunet a fait réaliser à Aubusson une tapisserie à partir d’une de ces images. Le silence souverain qui en émane là encore est tout aussi fascinant par la dimension spectrale et scénique du vestige. À l’étage, la série Soleil Noir développe quelques points de vue inhabituels de forêt, à son tour scène de mille et un scénarios oscillant entre roman noir et science-fiction. L’expérimentation utilise ici les potentiels du scanner laser tridimensionnel, qui permet un balayage à 360° d’un paysage pris en surplomb ou à partir d’un trou profond. Le résultat offre une série de photographies dont la matérialité et l’esthétique conduisent à une autre étrange, un autre fantastique.
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°732 du 1 mars 2020, avec le titre suivant : Thibault Brunet reconfigure la ruine