À l’occasion de son exposition personnelle à la galerie Georges-Philippe & Nathalie Vallois, à Paris, Tatiana Trouvé à répondu à nos questions.
Votre travail s’articule autour d’un concept clé : le Bureau d’Activités Implicites (BAI). Pouvez-vous nous expliquer en quoi il consiste ?
Le BAI est un laboratoire architectural qui est composé de différents modules, chacun destiné à une activité spécifique. Ces modules sont aujourd’hui au nombre de quinze : Module Administratif, Module de Grève, Modules d’Attente, des Archives, etc. Ce bureau est né du désir d’offrir une structure à certaines parties de notre existence considérées comme les moins productives. On pourrait dire que cette structure cherche à produire à partir de l’improductivité.
Le BAI est composé de “Modules” et de “Polders”. Quel est le rôle attribué à ces derniers ? Comment avez-vous eu l’idée de les concevoir ?
Les Polders sont originellement issus du Module des Archives qui, entre autres, dispose de tout un répertoire des différents lieux dans lesquels j’ai séjourné plus d’une nuit. Comme la première vision de ces lieux que j’imprimais mentalement au réveil était leur plafond, j’ai par exemple réalisé des séries d’aquarelles qui sommeillent dans les Archives. C’est dans cette même perspective, après avoir reconstitué des lieux, que j’ai décidé d’en reconquérir certains par des architectures fictives : ceci constitue à mon avis une définition possible des Polders.
Quel intérêt trouvez-vous à la miniaturisation des pièces ?
L’idée de la réduction et du changement d’échelle est pour moi un moyen de mettre l’accent sur l’incapacité du corps à s’adapter à la rapidité, à la vitesse de l’esprit qui se souvient. Elle marque ce temps de retard. Mais l’échelle des Polders est amenée à évoluer ; je crois qu’à l’avenir leur hauteur idéale sera celle de la taille d’un enfant ou d’un nain, ce qui entraînera une modification à la fois de leur format et de leur signification.
Comment avez-vous pensé l’exposition à la galerie Georges-Philippe & Nathalie Vallois ?
Le titre de l’exposition, “Tunnel Airlines”, donne un cadre précis. C’est comme un parcours dans un tunnel (la galerie est au noir, elle a été repeinte en partie et ses sources lumineuses ont été bâchées, pour baisser le niveau du regard et la redessiner en perspective), mais [il s’agit d’]un voyage qui ne prend sa dimension réelle qu’en devenant statique sur le plan physique, et dynamique sur le plan mental. Ce voyage s’effectue en effet à l’arrêt, par le visionnage de diapositives projetées depuis le Module de Grève du BAI sur le mur du fond de la galerie.
Que symbolisent les filets d’acier qui déterminent le parcours des visiteurs dans l’espace et autour du Module de Grève ?
Ces filets structurent l’exposition, ils la dessinent tout en évoquant également un paysage de pylônes et de fils électriques. Mais ils conservent avant tout un caractère abstrait ; ce sont des lignes.
Que représentent les images projetées ? Quel sens accorder à la cadence rapide du diaporama ?
Ce sont des fins de pellicule qui ne représentent rien de particulier, mais fonctionnent plutôt comme des reflets ou des fantômes d’images. Elles vont très vite parce qu’elles structurent un déplacement statique, et donnent un rythme à quelque chose qui ne bouge pas. Elles ne doivent pas être contemplées, mais doivent fonctionner comme des impacts ou des flashes. Je me suis servie d’une expérience que j’avais éprouvée sur une autoroute, en voiture : ce moment où l’on entre dans un tunnel et où l’on perd tous ses repères architecturaux pour ne plus conserver que des bribes de structures, de paysages et d’images que l’on projette sur les reflets des parois obscures. Ce déplacement devient purement abstrait, il ressemble davantage à une expérience intérieure.
Galerie Georges-Philippe & Nathalie Vallois, 36 rue de Seine, 75006 Paris, tél. 01 46 34 61 07, jusqu’au 9 novembre.
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Tatiana Trouvé
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°157 du 25 octobre 2002, avec le titre suivant : Tatiana Trouvé