Tania Mouraud : ni oui

Avec Jacques Villeglé ou Gordon Matta-Clark, Tania Mouraud est du nombre. Longtemps restée sous les radars du milieu, elle est désormais sollicitée dans le cadre d’événements associés pour tout ou partie à la scène « urbaine » : après le M.U.R en 2013 et l’exposition « Esprit souterrain » au domaine Pommery [jusqu’au 19 juin], c’est au Hangar 107, espace ouvert à Rouen en février 2018, qu’elle se voit consacrer une stimulante exposition monographique. Le choix d’exposer une artiste conceptuelle dans un lieu dédié, pour trois ans au moins, au graffiti, est largement justifié par son parcours : Tania Mouraud a investi l’espace public dès 1977 avec City Performance n°1. Cette campagne d’affichage contre-publicitaire est évoquée au Hangar 107 via deux photographies et une fresque in situ reproduisant à taille réelle l’iconique typographie de « NI ». Surtout, l’artiste manifeste depuis toujours une obsession pour l’écriture et ses liens ambigus avec la communication. Annoncé dès le titre de l’exposition – précisément intitulée « Écriture(s) » –, ce fil conducteur dresse un continuum entre les œuvres présentées au Hangar 107 : l’accrochage examine les variations de formes et de mediums auxquelles donne lieu une même attention aux mots, à la typographie, et plus largement au « message », politique ou poétique. Chez Tania Mouraud, celle-ci prend la forme du brouillage. Commun aux aphorismes allongés jusqu’à l’illisible, aux « mots éclatés » sérigraphiés sur miroir, aux contre-formes de la série Black Continent ou celle, inédite, des Mots mêlés, il décline un même principe de création, synthétisé dans cette formule : « What You See is What You Get ». Façon de dire que l’art se mérite et requiert un effort d’attention. Tout comme le graffiti.