Une exposition sur des tables ? Quarante-neuf artistes ? Audacieux. Le protocole est simple : un artiste se voit attribuer une table, qu’il accepte.
En retour, il envoie, comme une lettre, une proposition (esquisse, objet, œuvre aboutie…) au Crédac, que celui-ci accepte à son tour. Pas de négociation possible. Efficacité, économie et autonomie sont les maitres-mots de cette exposition inédite. Dialogue, partage et ouverture également, car il s’agit, pour Claire Le Restif, de faire le « portrait en creux » d’un centre d’art. La directrice insiste sur la dimension collective du projet : c’est avec la complicité de son équipe que les artistes ont été choisis, les tables glanées ici et là… Elle insiste également sur l’importance du dialogue avec chaque artiste et sur l’aspect démocratique du projet – les moyens de production sont égalitairement redistribués. Le résultat aurait pu être minimaliste, mais il est joyeux et pluriel. Dans trois salles, sur des tables aux formes, matières et fonctions extrêmement diverses, sont présentées des propositions artistiques tout aussi variées, sans hiérarchie – ainsi celles de la cadette (Flora Bouteille, née en 1993) et de l’aînée (Sheila Hicks, née en 1934) se retrouvent, fortuitement, côte à côte. Inégales, les propositions, émanant d’artistes de tous âges, nationalité et niveau de reconnaissance, peinent à dialoguer et sont noyées dans un tout conceptuel – passionnant mais peut-être difficilement appréhendable par les non-initiés. Toute la pertinence de cette exposition réside en effet dans le protocole, dans le fait de réactiver le mail art au moment d’une sédentarité forcée, ainsi que dans sa démesure assumée et sa grande générosité.
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°738 du 1 novembre 2020, avec le titre suivant : À tables !