Venise et Casanova, ces deux mythes sont depuis longtemps inséparables. Aussi la Sérénissime rend-elle naturellement hommage au célèbre séducteur dans une grande exposition à la Ca’Rezzonico.
VENISE (de notre correspondante) - Figure emblématique de son époque, Giacomo Casanova (1725-1798) en aurait peut-être partagé l’inévitable déclin si son autobiographie, rédigée lors de son exil forcé à Dux, ne l’avait tiré de l’oubli. Même si elle n’a été publiée intégralement qu’en 1962, elle a contribué à en créer le mythe, le cantonnant toutefois dans le rôle un peu étroit d’un libertin. S’il l’a effectivement été et s’il a tout fait pour alimenter cette réputation par ses récits sulfureux, parfois exagérés, Casanova n’a pas été que cela. L’exposition organisée à l’occasion du bicentenaire de sa mort, bien qu’elle ait son autobiographie pour fil conducteur, a l’ambition de nous restituer dans son intégrité tout à la fois sa personnalité et la complexité de son époque. Elle s’articule en quatorze thèmes, parmi lesquels la “séduction” n’occupe que la huitième place. Illustrée par des chefs-d’œuvre de Boucher, Fragonard ou Pietro Longhi, elle était alors la quintessence d’un style de vie partagé entre rites mondains, scènes de la vie familiale et spectacles populaires. Casanova possédait tous les atouts pour effectuer un brillant parcours dans la bonne société : une belle prestance, l’appui de personnages nobles et influents, l’appartenance à la franc-maçonnerie, une parfaite connaissance de la langue française... Il possédait également une bonne culture encyclopédique et même scientifique, puisqu’il a écrit aussi bien des traités d’histoire que des comédies, des livrets d’opéra que des pamphlets, et a livré une précieuse traduction de l’Iliade. À cette époque où le “Grand Tour” bat son plein, où toute l’Europe descend en Italie pour compléter sa formation, Casanova remonte vers le nord. Ses pérégrinations à travers l’Europe sont illustrées par quelques toiles des plus grands peintres paysagistes de l’époque, de Canaletto à Bellotto, de Marco Ricci à Antonio Joli, tandis que la Route du Gothard de Caspar Wolf ou la Tempête de Joseph Vernet rappellent, dans une veine préromantique, les dangers inhérents à cette activité. Quant aux grands personnages du temps, comme le pape Clément XIII dont David a fait le portrait, Catherine II peinte par F.S. Rokotov, la marquise de Pompadour dans le chef-d’œuvre de François Boucher, mais aussi Voltaire pour qui Casanova éprouvait une véritable acrimonie, ils figurent en bonne place dans l’exposition.
Et puis, il y a Venise : parmi les nombreuses vues de la Sérénissime, on remarque le Rio dei mendicanti de Canaletto – restauré pour l’occasion – avec ses présages de mort, comme dans l’Incendie de San Marcuola peint par Francesco Guardi en 1789, l’année du début de la Révolution française, qui mit fin à la République vénitienne. Pour Casanova, la séparation d’avec sa ville natale s’était produite bien avant, en 1756, après sa fuite épique des Piombi, où il avait été emprisonné pour outrage à la religion et à la morale.
Jusqu’au 10 janvier 1999, Ca’Rezzonico, Venise, tél. 39 052 270 77 17, tlj 10h-19h, vendredi et samedi 10h-22h.
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Sur les traces de Casanova
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°67 du 25 septembre 1998, avec le titre suivant : Sur les traces de Casanova