On pourrait longuement s’interroger, essayer de comprendre les raisons de cette ignorance en Europe et aux Etats-Unis, bref tenter de saisir pourquoi le monde de l’art n’a pratiquement jamais reconnu le travail et le génie de Lygia Clark de son vivant.
Lygia Clark (1920-1988) est brésilienne, tout comme ses amis Hélio Oiticica et Glauber Rocha. Et cette courte information contient déjà, en elle même, une partie de la réponse à notre question. Quoi qu’il en soit, la démarche de cette artiste bénéficie depuis la dernière Documenta de Cassel d’une très grande attention. Une rétrospective, intelligente et itinérante comme il se doit, lui est même actuellement consacrée. Après, Barcelone, Marseille et Porto, la voici désormais à Bruxelles. Le parcours de l’exposition débute avec ses premiers tableaux abstraits. Il s’achève par une présentation des objets thérapeutiques des années 70 destinés à l’appréhension des sens et l’interprétation des émotions qui en découlent. Entre ces deux extrêmes se déploie un oeuvre réalisé par une femme de plus en plus préoccupée par les fondements anthropologiques de la culture. Ainsi, à partir de la fin des années 60, en proposant au cours de séances d’une incroyable intensité des rituels sans mythes, Lygia Clark produit alors un art excluant toute barrière entre le spectateur, l’oeuvre et le créateur. Cependant, la création d’un art sensoriel nécessitait sans doute quelques éclaircissements pour nous, pauvres Occidentaux peu au fait de la culture brésilienne. C’est ce que fait le très utile catalogue publié à cette occasion, qui comprend des textes inédits de l’artiste. Des thèmes comme la participation du spectateur, le rapport qu’une oeuvre doit entretenir avec l’environnement et le corps sont abordés avec une franchise déconcertante d’intelligence et de lucidité. L’appareil critique, composé de documents originaux et de citations, transforme une impression en conviction : l’oeuvre de Lygia Clark constitue l’une des répliques les plus importantes et intéressantes à l’art occidental des années 60 et 70. « Si l’oeuvre d’art cesse d’être une réalisation concrète en elle-même et devient tout simplement un exercice d’ordre purement individuel, quel serait alors le concept d’ordre spirituel qu’elle proposerait. »
BRUXELLES, Palais des Beaux-Arts, 24 juillet-27 septembre, cat. 366 p., 450 F.
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Sous l’œil de Clark
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°498 du 1 juillet 1998, avec le titre suivant : Sous l’œil de Clark