VÉZELAY - Alanguie dans un sous-bois, elle repose nue à côté d’un balisier, témoin de l’exubérance de la nature tropicale avec ses larges fleurs aplaties et ses feuilles épanouies ressemblant à celles du bananier.
Fondue dans le décor naturel, lèvres ourlées et paupières lourdes, la belle endormie semble ne faire qu’un avec la nature, pétrie de la même matière que la terre qui la porte. C’est en 1941, lors d’un voyage en Martinique, qu’André Masson réalisa cette encre de Chine d’un érotisme cru et organique. Ce dessin nerveux et griffé a été choisi pour illustrer l’affiche de l’exposition « Sous le signe de Bataille, Masson, Fautrier, Bellmer ». Unis par leur passion commune pour les lectures de Sade et de Nietzche, ces peintres ont tous les trois illustré des textes érotiques de Georges Bataille (1897-1962). Bellmer s’est attaqué à l’Histoire de l’œil (pour l’édition de 1947) décrivant les expériences sexuelles de deux adolescents, Fautrier a accompagné de ses dessins subtils et lascifs Madame Edwarda (1945) et L’Alleluiah. Catéchisme de Dianus (1947), tandis que Masson s’appliquait à orner L’Anus solaire (1931) de ses pointes sèches. Une cinquantaine de toiles, dessins et gravures à l’érotisme sulfureux de ces trois artistes sont abrités à Vézelay (Yonne) dans le charmant Musée Zervos, à deux cents mètres de la basilique Sainte-Marie-Madeleine, lieu de pèlerinage menant à Saint-Jacques-de-Compostelle. « Le sens de l’érotisme échappe à quiconque n’en voit pas le sens religieux », soulignait Georges Bataille, qui s’installa, un jour de 1943, à Vézelay dans une maison bâtie à mi-pente sur la route de la basilique. C’est dans ce gros bourg bourguignon qu’il a rencontré Diane Kotchoubey, sa maîtresse qui deviendra sa seconde femme. Bataille est revenu y vivre entre 1945 et 1949, puis y a effectué de nombreux séjours jusqu’à sa mort en 1962. Cette exposition a toute sa place au sein de ce musée qui abrite des œuvres léguées à la ville par le critique d’art Christian Zervos. Ce dernier fonda et dirigea la revue les Cahiers d’art, dans laquelle furent publiés plusieurs textes de Bataille.
L’exposition débute dans la maison du jardinier, attenante au musée, avec des toiles et dessins de Masson et Fautrier. Elle se poursuit dans le corps principal du logis où sont réunies, dans une vitrine, des œuvres sur papier de Hans Bellmer. Ne quittez pas le musée sans admirer la collection permanente d’art moderne réunissant d’émouvantes œuvres de Calder, Hélion, Laurens, Léger, Miró et autre Picasso baignées par la douce lumière du Morvan.
Jusqu’au 15 novembre, Musée Zervos, Maison Romain-Rolland, rue Saint-Étienne, 89450 Vézelay, tél. 03 86 32 39 26, www.musee-zervos.fr, tlj sauf mardi, 10h-18h.
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Sous le signe de Bataille
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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°377 du 19 octobre 2012, avec le titre suivant : Sous le signe de Bataille