Simultanément à la présentation des travaux de l’artiste autrichien Martin Walde, basés sur la précarité des matériaux et les passages entre obsession et communication, la Villa Arson, à Nice, poursuit le cycle qu’elle consacre à ses anciens élèves et pensionnaires. Virginie Barré, Jean-Baptiste Ganne et Arnaud Maguet figurent au sommaire de ce second volet.
NICE - Invité à exposer à la Villa Arson, Martin Walde a plongé une partie des salles dans une lumière verte. Le choix de la couleur ne doit rien au hasard ; pour l’artiste, c’est à la fois la teinte la plus naturelle et la plus inquiétante qui soit. Le spectre va donc de la prairie à l’uranium, mais par contraste, à la sortie, tout paraît rose. Ce tour de passe-passe sensoriel tient à peu de choses, et donne quelques indications sur la notion de précarité chère à l’artiste. Fragile, son travail se construit avec des matériaux inadaptés jusqu’à la caricature, comme ces fleurs en cire de Babybel que Martin Walde est obligé de conserver dans un réfrigérateur (Fridge Roses, 2003). Dans la pénombre verte, la mise en scène prend une tournure angoissante qui n’est pas sans évoquer un mauvais film de science-fiction ou le résultat d’un passe-temps psychotique. C’est justement sur le fil fragile entre obsession et communication que se posent nombre des œuvres montrées par l’Autrichien pour sa première exposition monographique dans une institution française. Ainsi des deux rouleaux de tissu de Wooby (2003) qui permettent de fabriquer de manière semi-artisanale des “doudous”, objets transitionnels par excellence. Avec cette installation, l’artiste ne propose rien moins que de réaliser de manière “normée” des fétiches personnels. Invité en 1997 à la Documenta X, à Cassel, sa contribution prenait la forme de dessins animés et de boules vertes à la consistance étrange. Ici, à côté d’une multiprojection tournoyante et instable (Clips of slips, 1990-2003) sur des détails de la vie quotidienne, et d’une représentation du sida transformé en jouet (Virus Squash, 1995), il présente des œuvres qui font largement appel à la participation du spectateur. Dans Window spitting (1996-2003), chacun est invité à tirer à la paille des boulettes de papier mâché sur une vitre. Plus que la référence au Grand Verre de Duchamp, ce qui retient Walde est la possibilité de la reprise par le public d’un acte sans réel but ni conséquence, un acte isolé dans son absurdité avant que d’être reproduit.
Parallèlement à la présentation de ces travaux, la directrice artistique de la Villa Arson, Laurence Gateau, poursuit le cycle qu’elle consacre aux anciens élèves et pensionnaires de l’institution. Judicieux, l’aller-retour prouve le succès de l’interaction au sein de la Villa entre le centre d’art et l’école d’art. Après Caroline Boucher, Julien Bouillon et Sandra D. Lecoq, Virgine Barré, Jean-Baptiste Ganne et Arnaud Maguet occupent donc le sous-sol des espaces d’exposition. Tout en poursuivant dans une veine situationniste son illustration photographique du Capital de Marx, Jean-Baptiste Ganne propose à cette occasion une série d’œuvres reliées à Carlo Giuliani, martyr des manifestations du G8 à Gènes. La vidéo Ragazzo (2002) comme le Graffiti l’accompagnant manient avec distanciation le langage de la contestation, même s’ils ne se refusent pas à une certaine fascination romantique. Plus loin, c’est derrière un rideau noir que le long couloir de Virginie Barré plante un décor de fausses illusions, avec des mannequins à échelle humaine et une moquette qui reprend le motif de l’hôtel Overlook de Shining. Là comme dans les dessins noirs et blancs accrochés aux murs, Virginie Barré joue à la fiction en brassant des référents cinématographiques, partagés ou plus obscurs. Dès lors, la petite musique diffusée par Arnaud Maguet au bout du corridor ne provoque aucune fausse note. Prise dans une répétition aléatoire, la boucle de l’organiste Jimmy Smith accompagne le visiteur au sein d’une double projection sur deux murs opposés : un verre se remplit de Martini tandis que l’autre fait le plein d’olives. Avec cette scène nodale d’un film qui ne finit ni ne commence jamais – à savoir le sûrement haletant Naufrage de l’Ambassador annoncé par une affiche – Arnaud Maguet signe un thriller à mi-chemin entre lettrisme et ambiance cocktail.
Jusqu’au 20 mars, Villa Arson, 20 avenue Stephen-Liégeard, Nice, tlj sauf mardi, 14h-18h, tél. 04 92 07 73 73, www.villa-arson.org
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°164 du 7 février 2003, avec le titre suivant : Sommaire éclectique