Montée au Petit Palais par son directeur Gilles Chazal, l’exposition « Soleils mexicains » montre au travers de grands thèmes (mort et résurrection, paganisme et christianisme...) comment originalité et esprit de continuité sont l’âme même de la civilisation mexicaine. Dans les civilisations anciennes, l’astre suprême régit la vie, traverse la mort et apporte la résurrection. Du sacrifice naît la vie et ainsi ressuscite l’homme. Mais celui-ci voulut se rapprocher toujours plus près du soleil, construire toujours plus haut sur la montagne, élever des temples, les dédier aux dieux, sculpter des calendriers, des Atlantes ou des bas-reliefs aux lignes aussi tortueuses chez les Mayas que l’ondoyant et chaotique paysage volcanique qui les entoure. Dans les cités, le roi s’automutile. La reine aussi, se perçant la langue d’une corde pleine d’épines. Leur sang versé sera brûlé dans des braseros comme celui que Huehuetéotl, dieu du Feu, porte sur la tête. Cette pièce olmèque (300-900 après J.-C.) d’une grande rareté est exposée non loin de Mictlantecuhtli, dieu de la Mort, sculpture Totanaque (600-900 après J.-C.) qui symbolise le cycle naturel de la vie dans le mouvement cosmique. Car le monde a été créé dans le sacrifice. Autour des cinq soleils, créateurs du monde, quatre se sont déjà anéantis et il appartient aux survivants de préserver le dernier monde fragile. Avec les Aztèques, les sacrifices s’intensifient. On expose les crânes des prisonniers de guerre sur de longues tiges de bois. Crânes qui rappellent les masques populaires de papiers mâchés à caractères humains ou diaboliques, masques de théâtre ou de carnaval. Quand les premiers Espagnols débarqueront, les indigènes voudront les emprisonner et non les tuer. Et puis très vite, ils considéreront leur chef Hernàn Cortés comme un dieu. Les dieux d’antan brisés, peu à peu oubliés, sont parfois assimilés aux nouveaux dieux chrétiens. Ainsi Tonantzintla devient la Vierge Marie qui, à Guadaloupe, multiplie les miracles.
Et l’indigène baptisé craint alors la mort. Pourtant, dans cet esprit de « continuité » les tombeaux funéraires monumentaux du XVIIIe siècle reprennent la forme des pyramides à étages. Monumental également, le long Serpent (1991) de terre cuite désarticulé de Gabriel Orozco qui n’est autre que ce serpent fantastique, « transmission entre le monde des hommes et le monde infernal », sculpté sur les temples. Mais après trois siècles de ruptures, les Mexicains veulent se réapproprier leur histoire oubliée, se libérer de l’emprise du pouvoir espagnol. Une révolution agraire et non idéologique où le Mexicain veut pourtant « trouver son identité ». Alors à Diego Rivera, peintre engagé et voyageur infatigable, de réaliser sur les murs du ministère de l’Éducation des fresques monumentales ressuscitant les cultures et les croyances préhispaniques totalement oubliées : une façon d’éduquer les instituteurs laïques de passage comme autrefois les fidèles dans les églises. Et c’est ainsi, comme l’a si bien décrit Octavio Paz dans l’un de ses chefs-d’œuvre, Le signe et le grimoire, que l’art est « la cime visible de cet iceberg que représente chaque civilisation disparue ».
PARIS, Petit Palais, 29 avril-13 août.
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Soleils mexicains
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°516 du 1 mai 2000, avec le titre suivant : Soleils mexicains