Des premiers griffonnages sur les papiers à en-tête de son employeur, courtier en vins à Bordeaux en 1950, aux dessins récents encore inédits via, bien sûr, Le Petit Nicolas– une salle entière lui est dédiée – et ses nombreuses collaborations dans la presse (L’Express, Paris Match, The New Yorker…), l’Atelier Grognard déroule le tapis rouge, avec la complicité des commissaires Martine Gossieaux et Marc Lecarpentier, au plus célèbre dessinateur humoriste de France, Jean-Jacques Sempé, né en 1932 à Bordeaux, en offrant aux visiteurs une rétrospective dotée de plus de 300 œuvres originales.
La très bonne idée de cette manifestation culturelle grand public est d’accompagner les multiples feuilles de Sempé par des citations de ce dessinateur-poète transgénérationnel le rendant encore plus proche de nous – « Je m’en aperçois des années après : je peux dessiner une vieille dame dans la rue ou sur un vélo, et ce peut être moi de façon déguisée. Parce qu’elle porte avec elle la même incertitude que je ressens chaque matin devant ma table de travail. » Autre atout majeur : en développant de manière chrono-thématique le cheminement de Sempé, cet événement met en avant comment les débuts hésitants du dessinateur, voire académiques (la recherche coûte que coûte du gag), ont laissé place, au fil du temps, à la virtuosité qu’on lui connaît, à savoir parvenir, avec une grande économie de moyens et un maniement hors pair de certaines figures de rhétorique (litote, prétérition, etc.), à ausculter, entre malice et tendresse, le comportement humain. On sort de cette expo-hommage attachante en se disant, à l’instar d’une visiteuse laissant ce mot dans le livre d’or, « Sempé, on vous aime ! »
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°730 du 1 janvier 2020, avec le titre suivant : Sempé, « on vous aime ! »