Alain Séchas n’avait pas bénéficié d’une grande exposition en France depuis celle organisée par la Fondation Cartier en 1997. Cet hiver, l’artiste présente à Ibos et à Pau un ensemble important de nouvelles pièces, réalisées notamment en néon.
PAU - Il est toujours étonnant de découvrir les expositions du Parvis, le centre d’art de la Scène nationale Tarbes Pyrénées, dans le contexte qui est le sien : une galerie marchande d’un centre commercial. Pour un peu, les visiteurs pourrait laisser leurs chariots remplis à l’entrée, avant de rentrer chez eux la conscience tranquille, fiers d’avoir su allier consommation et culture, même si celles-ci ont trop souvent tendance à fusionner. Heureusement, le Parvis, en la personne de Sylvie Froux, responsable des expositions, ne cède à aucune facilité et continue d’y mener une programmation exigeante, à l’exemple de l’invitation faite à Alain Séchas d’intervenir dans les deux Centres E. Leclerc d’Ibos et de Pau.
Reprenant un outil issu de la rue, à l’image de la croix verte de la pharmacie se trouvant en contrebas de l’entrée du Centre d’art d’Ibos, Alain Séchas présente ici ses premières œuvres utilisant le néon. Il y décline son iconographie favorite depuis quelques années, le chat, dans des situations diverses mais toutes plus moroses les unes que les autres. Ainsi, l’un des ces félins, un boxeur, se frappe lui-même tandis qu’un autre, transformé en cible vivante, est touché par une flèche. À noter qu’une pièce en néon de Séchas est actuellement visible sur le quai de la station “Pyramides”, direction Madeleine, sur la ligne 14 du métro parisien.
“Murder”, “Suicide”, “Bitch”, “Gore”
L’exposition de Pau est plus éclectique, puisqu’elle réunit sculptures, peintures murales, films d’animation, gouaches et feutres. Le visiteur est accueilli par une pièce en trois dimensions, un chat posant un pied sur une tête coupée, relecture personnelle du combat de David contre Goliath. Plus loin, un étrange jeu de quilles est malheureusement desservi par son accompagnement sonore. Face à des œuvres qui avaient parfois tendance à tomber dans un certain maniérisme, Séchas retrouve toute son efficacité corrosive dans les gouaches et feutres qu’il dévoile ici pour la première fois. Ces petites saynètes très simples expriment allégorique une vision acerbe de notre société, un point de vue particulièrement pessimiste sur une condition humaine représentée par son bestiaire. L’humour de “Maurice-Denis”, un chat noir et un autre blanc, précède une famille “fin de siècle” : deux parents “peace & love” qui ont engendré une progéniture portant des T-shirts sur lesquels sont écrits “Murder”, “Suicide”, “Bitch” et “Gore”. On pense alors à quelques phrases de Michel Houellebecq qui ont tant fait couler d’encre : “Les serial killers des années 90 étaient les enfants naturels des hippies des années 60, écrit le romancier dans Les particules élémentaires. [...] Charles Manson n’était nullement une déviation monstrueuse de l’expérience hippie, mais son aboutissement logique”.
Jusqu’au 10 janvier, Le Parvis, Centre Le Méridien, route de Pau, 65420 Ibos, tél. 05 62 90 60 32, mardi-samedi 11h30-13h et 14h-18h30, et Le Parvis 3, Centre E. Leclerc Université, avenue Louis-Sallenave, 64000 Pau, tél. 05 59 80 80 93, mardi-samedi 11h30-18h.
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Séchas et ses chats
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°73 du 18 décembre 1998, avec le titre suivant : Séchas et ses chats