Dorothea Lange (1895-1965) fait partie de ces photographes dont quelques images mondialement connues occultent curieusement l’ensemble d’une œuvre. En réunissant 160 tirages, venus principalement du Musée d’Oakland (Californie), la Mission du patrimoine photographique va permettre de mesurer son apport à l’histoire de la photographie documentaire.
PARIS - Ses deux enfants blottis contre elle, la femme est profondément désemparée, mais elle frappe par sa dignité. Cette photographie, Migrant Mother, Nipomo, California, 1936, est devenue une icône du siècle. Sans effet de cadrage, Dorothea Lange s’est attachée à l’essentiel : transmettre une émotion. A-t-elle construit la composition en plaçant les deux enfants de dos, en contraste avec la mère qui fait face, comme le prétendent aujourd’hui certains ? Dorothea Lange était une photographe “engagée” qui voulait dénoncer des situations plutôt que faire du reportage. Elle a toujours voulu “se concentrer sur les gens, seulement les gens, toutes sortes de gens”.
Après une enfance marquée par la poliomyélite dont elle gardera des séquelles toute sa vie, la jeune Dorothea se lance à 18 ans en autodidacte dans la photographie à New York, puis part faire un tour du monde, signe de son goût pour la découverte et de son indépendance. Le voyage s’arrête à San Francisco où on lui vole ses économies. Elle y ouvre un studio de portrait qui connaît le succès. La crise de 1929 sera le grand tournant de sa carrière, avec une prise de conscience aiguë des drames sociaux. Elle veut dénoncer les injustices et sera l’un des nombreux photographes participant à la commande gouvernementale de la Farm Security Administration (FSA) pour documenter l’Amérique rurale. Migrant Mother deviendra ainsi la photographie symbole du New Deal. Cette image a mis dans l’ombre les autres facettes de son travail, des portraits, comme celui très sculptural sur “fond” blanc d’un Palestinien (1958), ou la vision à l’infini d’une route au Nouveau-Mexique, prise en 1938, bien avant que Robert Frank ne trace la sienne… Une œuvre à redécouvrir.
DOROTHEA LANGE, 16 janvier-22 mars, Hôtel de Sully, 62 rue Saint-Antoine 75004 Paris, tél. 01 42 74 47 75, tlj sauf lundi 10h-18h30. Catalogue, éditions du Patrimoine, 48 p., 75 F. Le film de Meg Partridge, Dorothea Lange, A visual life (1994) sera projeté à la Maison européenne de la photographie le 22 janvier à 18h.
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« Se concentrer sur les gens »
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°51 du 3 janvier 1998, avec le titre suivant : « Se concentrer sur les gens »