Rarement talent apparu si précocement et si soudainement eut si peu de temps pour s’épanouir. Le destin n’aura accordé qu’une dizaine d’années à Egon Schiele (1890-1918), foudroyé à l’âge de vingt-huit ans, pour mener son combat de peintre avec une ferveur jamais apaisée et construire une légende à sa démesure.
Né à Tulin, petit bourg proche de Vienne, Egon est admis à tout juste seize ans à l’Académie des beaux-arts de la capitale. Il rencontre Gustav Klimt (1862-1918) en 1907. Le maître se montre vivement impressionné par les talents de dessinateur du jeune homme. Schiele quitte l’Académie en 1909, constitue avec d’autres jeunes artistes le Neukunstgruppe (groupe Art nouveau) et réalise sa première exposition personnelle en 1911 à la prestigieuse galerie Miethke de Vienne. Poursuivi en 1912 pour attentat à la pudeur et à la moralité, enlèvement de mineure et incitation à la débauche, il est emprisonné vingt-quatre jours. Homme et artiste écorché vif doublé d’un grand séducteur au culot sidérant, sa renommé ne cesse de croître. Schiele expose pour la première fois en 1913 avec les artistes de la Sécession viennoise et rejoint l’équipe du magazine berlinois Die Aktion. Il participe alors à de nombreuses expositions internationales. Mobilisé en 1915, il sert dans l’armée jusqu’en 1918 sans participer aux combats. La grippe espagnole l’emporte le 31 octobre 1918.
Regarder un portrait ou un corps dessiné et peint par Egon Schiele, c’est toujours regarder quelque chose d’ir-réductible(Autoportrait, 1912). Pas simplement beau, laid ou repoussant, ni juste sensuellement érotique. Confronté à cette surabondance de vie – les corps de ses modèles sont jeunes, parfois très jeunes – le peintre délimite d’un trait marqué, sec, les frontières entre le corps et l’espace (Voyants, double autoportrait avec Wally, 1913). La couleur, quand il y en a, semble vider de toute vitalité les volumes de la chair et des muscles.
La centaine de portraits et d’autoportraits (une vingtaine de toiles et quatre-vingts papiers) présentée au Belvédère laisse pantois, tant l’inquiétude à fleur de corps est palpable chez ce peintre porté par un fervent élan vital doublé d’une curiosité jamais assouvie face à la sexualité. Une scénographie tout en douceur – les cimaises ocre clair se déploient en larges courbes – permet un parcours où les œuvres se découvrent une par une, avec parfois cette belle délicatesse de laisser visible toute la feuille, sans que la marie-louise ne vienne en recouvrir les bords (La Femme de l’artiste, Edith Schiele, 1917). Il est bien sûr recommandé de profiter de la visite pour voir ou revoir l’exceptionnelle collection permanente de Klimt au Belvédère supérieur.
« Egon Schiele, autoportraits et portraits », Orangerie du Belvédère inferieur, Rennweg 6, Vienne (Autriche), www.belvedere.at, jusqu’au 13 juin 2011.
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Schiele, à fleur de peau
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°635 du 1 mai 2011, avec le titre suivant : Schiele, à fleur de peau