Sise dans le splendide domaine de la Garenne-Lemot, la Villa Lemot, propriété du département de Loire-Atlantique, accueille une exposition consacrée à l’architecture de treize domaines viticoles de la région nantaise édifiés au XIXe siècle. Constituée principalement de relevés effectués par des étudiants en architecture accueillis par le Domaine durant l’été 1997, celle-ci fait apparaître un instructif « pas de deux » entre architecture rurale et architecture « savante », brouillant la traditionnelle frontière fixée entre les deux.
CLISSON - C’est un peu l’histoire de la poule et de l’œuf. L’intérêt porté par les hommes de culture à l’architecture rurale, dont on dit communément qu’elle est “sans architecte”, date significativement du Maniérisme. Les hommes de l’art du cinquecento trouvèrent, dans la permanence de l’architecture rurale de leur contrée, une source d’inspiration stylistique et de méditation philosophique : l’élégance manifeste et pittoresque d’une architecture édifiée à de seules fins utilitaires n’instruisait-elle pas implicitement un procès en légitimité du modèle antique édicté par la Renaissance ? Subtilement installée dans l’entre-deux séparant l’architecture savante des constructions simples et économes de la campage vénitienne, l’œuvre d’Andrea Palladio est sans doute la plus exemplaire de cette reconnaissance nouvelle. Tout autre est le contexte de la fin du XVIIIe siècle dans la région nantaise. Mais avec le temps, le chassé-croisé entre architecture savante et rurale s’est complexifié. Le mouvement “pittoresque” a canonisé une architecture désormais directement inspirée des constructions rurales, au point de générer une mode qui traversa toute l’Europe. Édifié par le sculpteur François-Frédérice Lemot au début du XIXe siècle, le domaine de la Garenne-Lemot, s’étirant dans le paysage pittoresque des berges de la Sèvres nantaise, est un bon exemple de ce courant, avec sa “maison du jardinier”, chef-d’œuvre de l’architecture rustique “à l’italienne” évoquant celle des “castelli” d’Ombrie et de Toscane. S’opère alors un curieux renversement que l’exposition nous invite à découvrir. Détruits par les guerres de Vendée, la plupart des domaines viticoles doivent être reconstruits par leurs propriétaires. Soucieux d’édifier des constructions à la fois commodes et élégantes, ceux-ci prennent modèle sur la “maison du jardinier” édifiée sous l’autorité de Lemot, contribuant ainsi à diffuser dans la région nantaise une architecture d’inspiration rurale... savamment codifiée. Serliennes et tuiles romaines font ainsi leur apparition dans ce pays jusqu’alors dominé par l’ardoise. Le visiteur pourra juger cette architecture érudite ou bâtarde selon son humeur, mais il sera désormais instruit à rebours des idées reçues que dans la campagne nantaise comme dans les autres, il n’y a pas d’architecture sans modèle, ni de modèle sans architecture...
Le viticulteur architecte, Domaines, Demeures, DépenÂdanÂces jusqu’au 17 mai. Gétigné Clisson, Domaine DéparÂteÂmental de la Garenne-Lemot. Ouvert le lundi de 14h à 18h30 ; sam., diÂma. et j. fériés de 10h à 12h30 et de 14h à 18h30. Entrée gratuite. Catalogue de l’exposition édité par le Conseil géÂnéÂral de Loire-AtlanÂtique, 112 pages, 80 F.
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« Savante » et « rurale »
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°58 du 10 avril 1998, avec le titre suivant : « Savante » et « rurale »