Sarah Tritz mélange allègrement les styles et les pratiques à la Fondation Ricard et à la galerie Anne Barrault, à Paris.
À la Fondation d’entreprise Ricard et à la galerie Anne Barrault, à Paris, Sarah Tritz (née en 1980) laisse libre cours à une grande diversité formelle, fortement inspirée par la bande dessinée.
L’exposition « Diabolo mâche un chewing-gum sous la pluie et pense au cul », à la Fondation Ricard, laisse voir une influence très marquée de la bande dessinée, mêlée à de l’abstraction. Que cherchez-vous à faire en mélangeant des styles éloignés ?
Je n’avais jamais été vers ce genre de formes auparavant, mais chaque chose réalisée est l’occasion de poser un problème tant sur le plan plastique que de la signification. Dans la bande dessinée sur laquelle je me suis appuyée pour le personnage de Sluggo [Nancy & Sluggo d’Ernie Bushmiller], cette espèce d’efficacité visuelle me plaisait beaucoup. En revanche, je ne trouve pas qu’il y a beaucoup d’abstraction dans cette exposition, hormis une peinture inspirée par Willi Baumeister dont je me suis inspirée. En fait, il y a bien une traversée de styles à travers les différentes pièces, et ce qui me plaît c’est la gymnastique qui peut s’opérer quand vous regardez dans un même axe et que deux choses, deux formes, deux époques différentes viennent se rencontrer. Je crois que c’est juste une façon de m’approprier l’histoire de l’art.
Une constante de votre travail, ce sont justement ces références très fournies et diverses à l’histoire de l’art. L’usage de référents vous permet-il de vous nourrir, de vous inscrire dans une filiation éventuelle ou cela relève-t-il plutôt de la transgression ?
Je dirais les trois ! Il y a d’abord la filiation, bien que les gens que je cite ne soient pas des modèles qui m’écrasent, j’ai horreur de cette idée de maître absolu et je prends cela avec beaucoup de légèreté. Ensuite, pour la transgression, j’aime bien cette idée-là, justement parce qu’il n’y a pas de règles ni de principes, comme il y en existe avec cette loi du « copier-coller » dans l’art contemporain. À travers toutes les citations, il y a donc une espèce de transgression, mais trop honnête pour être méchante, exprimant plutôt une relation très sentimentale aux œuvres auxquelles je me réfère. Et la nourriture, car les artistes que j’aime beaucoup sont des gens qui savent lier à la fois une sorte d’intuition, une inscription dans le réel et une forme de documentation issue de l’histoire de l’art.
Le mélange des genres et des pratiques auquel vous vous livrez est-il une marque de fabrique, une condition stylistique, ou répond-il tout simplement à une nécessité d’embrasser le plus large possible ?
Ce n’est pas du tout une question de style, mais une nécessité à chaque fois. Ensuite il y a des attirances pour certaines techniques, même si mon outil de prédilection reste la peinture – mais pas du tout sur toile. Je n’ai jamais peint sur toile et ça ne m’intéresse pas ; cet objet châssis me pose problème. C’est d’ailleurs pour ça, je crois, que j’utilise depuis peu les enduits. L’an dernier j’ai fait une pièce avec une dalle de béton de la taille d’un lit deux places sur laquelle j’ai dessiné un homme allongé à la craie, c’était très pictural. Et il y a un rapport à un matériau plus sensuel que d’autres.
Cela renvoie à une idée de corporalité, très présente dans l’exposition de la Fondation Ricard. Est-ce une préoccupation constante ?
C’est très présent depuis toujours en effet. Au départ je pense que cela passait plutôt par un rapport d’échelle. Exemple dans cette installation montrée [au centre d’art] Bétonsalon et composée de pièces en parpaing où s’instaurait un rapport qui n’était pas de monumentalité, mais où le spectateur était englobé par quelque chose ; cela me semblait important à ce moment-là pour concentrer le regard. Puis sont apparus des personnages dans mon travail, et là je me suis dit « insistons ». Par hasard, alors que je faisais des recherches à la fois sur Max Ernst, Sloggo et d’autres, je me suis rendue à l’évidence que cela pouvait être assez drôle de combiner toutes ces différentes figures.
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Sarah Tritz : « Lier l’intuition, le réel et l’histoire de l’art »
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Abonnez-vous dès 1 €Jusqu’au 9 janvier 2016, Fondation d’entreprise Ricard, 12, rue Boissy-d’Anglas, 75008 Paris, tél. 01 53 30 88 00, www.fondation-entreprise-ricard.com, tlj sauf dimanche-lundi 11h-19h.
Sarah Tritz. Lundi
Jusqu’au 23 janvier, galerie Anne Barrault, 51, rue des Archives, 75003 Paris, tél. 09 51 70 02 43, tlj sauf dimanche-lundi 11h-19h.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°447 du 11 décembre 2015, avec le titre suivant : Sarah Tritz : « Lier l’intuition, le réel et l’histoire de l’art »