Après avoir été commissaire de Manifesta 1 et des biennales de Barcelone et d’Istanbul, Rosa Martinez organise cette année \"SITE Santa Fe\", une exposition qui se prolonge dans la capitale du Nouveau Mexique jusqu’au 31 décembre. L’Espagnole a conçu la manifestation en tenant compte de son environnement géographique et social.
SANTA FE - En arrivant dans le désert aride et désolé qui entoure Santa Fe, Rosa Martinez a été saisie par le site de Los Alamos, à une heure seulement de la ville, qui a accueilli des chercheurs en armement nucléaire. La région abrite aujourd’hui des populations aisées venues de Los Angeles et New York. L’installation de ces nouveaux venus qui ont racheté des maisons de style hispanique a poussé les autochtones à vivre dans des mobile-homes à la périphérie de la cité. Les Anglo-Saxons, les Hispaniques et les Indiens continuent donc de se battre pour cette terre.
Lorsqu’en mars 1998 elle a été sollicitée pour organiser “SITE Santa Fe”, Rosa Martinez a visité les galeries et les musées de la région. Mais, selon elle, les artistes locaux ne prennent pas assez en compte les spécificités du lieu. De fait, elle n’en a retenu qu’une seule dans sa sélection, Charlene Teters. Les vingt-six autres participants (Ghada Amer, Mona Hatoum, Carl Michael von Hausswolff, Carsten Höller, Shirin Neshat, Gabriel Orozco, Pipilotti Rist...) viennent de différents pays. La commissaire s’expose à la critique puisque Louise Bourgeois est certainement la seule artiste que certains habitants de Santa Fe connaissent déjà. L’un des dix projets que soutient Rosa Martinez est celui de l’artiste mexicaine Yolanda Gutiérrez, qui envisage de construire un obélisque face au Capitole de la cité à l’aide de chaussures, de vieilles robes, etc. Ce monument s’opposera à l’obélisque de pierre du centre-ville qui arborait autrefois l’inscription suivante : “En mémoire de la victoire sur les Indiens sauvages”.
Visiter Santa Fe ne sera peut-être jamais aussi passionnant que durant cette biennale. En effet, Rosa Martinez a invité les artistes à réaliser des œuvres dans la ville et ses environs : par exemple, une salle de bal désaffectée (“pour faire revivre les vieilles mélodies, les voix oubliées et la “puissance électromagnétique”), un parc (“aux bancs sciés en deux pour obtenir deux moitiés rassemblées dos à dos, de sorte que même les mots d’amour murmurés par les couples passent sans atteindre leur destinataire”), les panneaux d’affichage qui longent l’autoroute ou encore les chaînes de télévision locales.
Sculptures sociales
La commissaire s’est heurtée à un seul refus : celui de Greenpeace. Pour Rosa Martinez, les opérations de l’organisation – comme la projection d’un message stipulant “Ce bateau transporte des armes nucléaires” sur la coque d’un navire – sont des sculptures sociales, des actions artistiques comparables à celles que Joseph Beuys nous a enjoints d’entreprendre. De ce fait, elle inclut dans son programme des vidéos des différentes campagnes de Greenpeace. Mais lorsqu’elle a invité l’association à faire une intervention en rapport avec les déchets radioactifs enterrés dans le sous-sol du Nouveau Mexique, les responsables lui ont répondu qu’ils ne menaient aucune action sur commande : “Nous seuls pouvons décider où et quand nous devons agir”. Les éco-guerriers peuvent bien apporter de l’eau au moulin de l’art, mais la réciproque semble loin d’être vraie.
Jusqu’au 31 décembre, 1606 Paseo de Peralta, Santa Fe, États-Unis, tél. 1 505 989 1198, Internet : www.sitesantafe.org
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Santa Fe peu américain
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°87 du 27 août 1999, avec le titre suivant : Santa Fe peu américain